Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/50

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semblerait d’après cela que l’Inconditionné dût être regardé comme la chimère de la raison plutôt que comme un sujet réel et inconnaissable, mais Kant, en dépit de sa conclusion, maintient la thèse que l’ensemble des conditions implique l’existence de l’Inconditionné : « Le conditionné étant donné, avec lui est aussi donnée, dit-il, la série entière des conditions, et, par conséquent, l’inconditionné lui-même. »

Cette proposition s’offre sous un aspect logique, elle perd cependant toute sa force apparente, si l’on réclame, sur la signification de ces mots : la série entière des conditions, une explication à laquelle Kant aurait dû songer.

Cette série présente à la pensée, en effet, deux aspects opposés, dont la confusion est inadmissible, selon qu’on la suppose infinie ou finie. Infinie, elle renferme en elle-même son conditionnant inconditionné, enveloppe éternelle et sans bornes de tout le conditionné, comme nous venons de le voir à propos de la doctrine de Spinoza. Dans cette doctrine, on ne peut pas dire que l’Inconditionné soit inconnaissable. Sa connaissance est l’objet du philosophe. Elle est obtenue en définissant l’univers comme un système de contradictions, mais avouées, systématiques, et cela est fort différent. Finie, au contraire, la série entière des conditions, qu’elle soit ou qu’elle ne soit pas connaissable, — ce qui est une autre question, — se présente en tout cas au penseur comme un ensemble de rapports, liés entre eux dans les divers ordres de notions abordables à l’esprit. Chacune de ces notions serait ainsi élevée à la perfection que sa définition comporte. Dès lors, la question dépend de celle du principe de relativité (V). En admettant ce principe, suivant lequel nulle existence n’est conce-