Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/70

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l’aspect passif, par quatre qualités élémentaires, et l’Infini divin, agent universel, par deux forces motrices, idées réalisées de l’union et de la discorde, ne donnait pas satisfaction à la pensée spéculative d’un développement de substance. Anaxagore, définissant le sujet matériel par l’infinité des homéoméries, et le séparant de l’Intelligence, cause du mouvement, ne remplissait bien, ni d’un côté ni de l’autre, les conditions de l’explication du monde. Les systèmes de ces philosophes ne se trouvèrent pas viables. Il en fut autrement de la doctrine d’Héraclite qui envisagea le monde comme le produit de la Substance vivante unique, et ce monde comme unique lui-même, et destiné à une suite d’évolutions identiques sous l’action du même principe divin.

La théorie de l’écoulement universel est optimiste, malgré les apparences. Cette loi de l’instabilité réalise un ordre providentiel. Tout devient, la vérité n’est que dans le changement : on ne peut rien dire de quelque chose qu’on n’en doive dire aussitôt le contraire ; tout naît de la discorde ; Zeus et Polémos sont un seul Dieu : Æon, père de toutes choses. Mais Zeus est aussi la Paix et le Logos, l’Union, l’Harmonie. Des contraires se forme l’unité de la nature ; de là, la loi divine en ses deux formes : l’himarménè et la dikè. La Sagesse gouverne, œuvre et substance à la fois du Feu éternellement vivant. Les êtres naissent de ce feu par des oppositions et des transformations, ils retournent à la fin à leur forme initiale, et le monde termine son évolution dans un embrasement qui est l’origine d’une évolution nouvelle.

Le panthéisme stoïcien repose sur la même conception physique, où s’identifient le composé matériel et