Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/73

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fications. Quelques autres inclinaient à opérer la réduction en sens inverse. Le rapport des substances entre elles et à Dieu suscitait de grandes difficultés. Spinoza pensa qu’il n’y avait qu’une substance, qu’elle réunissait les deux attributs, avec une infinité d’autres qui nous sont inconnus, et qu’elle était Dieu.

Cette doctrine cosmo-théologique est à la méthode cartésienne ce que le panthéisme stoïcien est à la physique qualitative et transformiste de l’antiquité. Le Feu vivant, éternel, qui régit les transformations des éléments et pourvoit à la composition matérielle des âmes, est remplacé par la substance divine dont les modes se développent en deux suites parallèles où tout ce qui s’offre comme individuel n’est que propriétés du grand Tout. La parfaite unité substantielle n’est pas mieux établie par la liaison indéfectible des phénomènes produits dans un corps universel sensible, qu’elle l’est au sein d’un Infini dont le nombre, le temps et l’espace sont des modes d’apparaître. Elle a seulement une forme moins abstraite. Spinoza réduisant la réalité de l’individuel à des images, faisant plonger dans l’Absolu et dans l’Infini, en un sens peu familier aux anciens, son substantialisme plus mathématique que physique, fait disparaître la nécessité d’une évolution entre deux limites du temps. Le développement indéfini de l’Infini actuel est la vie éternelle de la Substance : contradiction entre les affections de la réalité immuable, selon qu’elle lui sont rapportées, ou qu’elles sont les représentations illusoires des êtres passagers qu’elles constituent. La différence du panthéisme antique et de celui de Spinoza, considéré sous cet aspect, est grande. Les deux doctrines n’en concourent pas moins dans l’idée de l’unité, et cet accord suffit, à cause d’un commun caractère moral de