Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/74

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grande élévation, pour expliquer des rapports qu’on a souvent remarqués, dans les parties de sentiment, entre le plus considérable des systèmes substantialistes qui précédèrent l’ère chrétienne, et la plus achevée, la plus sérieuse des constructions spéculatives de l’âge moderne, dont les auteurs ont conservé les thèses capitales de la théologie scolastique en supprimant la personnalité divine. L’enseignement moral de ces doctrines, mais qui ne s’en tire que rarement, parce que l’esprit y prend plus de part que le cœur, est le mépris de l’existence phénoménale, inadéquate et caduque. Le sage doit s’en détourner pour se vouer à la contemplation et à l’amour de l’éternelle Substance. Les stoïciens y vinrent à la fin, après avoir cherché vainement la vie conforme à la Nature.

XXV

La multiplicité de la substance. Origine de l’atomisme. — Après Anaximandre, la conception du réalisme substantialiste peut être partagée entre les deux penseurs, Héraclite et Démocrite (Démocrite dont on accompagne ordinairement le nom de celui de Leucippe), auteurs de deux conceptions opposées qui n’ont cessé, depuis ce temps, d’avoir des adhérents, chacune au moins en son point fondamental. La première posant l’unité de substance, envisage une multiplicité, soit infinie, soit définie, de qualités dont l’union ou la séparation, ou encore la condensation ou la raréfaction, ou enfin l’hypothèse des transformations expliquent les phénomènes. Quand ce fut la Substance elle-même que l’on crut multiple, on pensa que les qualités devaient être les produits des