Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/79

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Des sortes d’idées, ou images (εἴδωλα), émanées des objets et portant leur ressemblance, introduiraient les conditions de la perception dans les organes, dans celui de la vue, par exemple. D’autres pourraient se percevoir dans l’espace, et parmi eux des êtres divins, composés d’une matière semblable, et aptes à devenir, en certaines rencontres, perceptibles à nos sens. Au fond, et partout, rien que de tangible, des atomes, leurs composés et leurs mouvements. Il manquait seulement le moyen de constituer l’unité du sujet en tant que réunissant des représentations variées dans le temps.

Si Démocrite avait conçu l’atome-idée, non plus grandeur et figure, mais appétition et perception, son atomisme se fût aisément tourné en une monadologie. Leibniz a fait lui-même le rapprochement, et il ne pouvait n’y pas songer, quand ses réflexions sur les défauts de la double substance universelle des cartésiens le conduisirent à essayer d’un système de substances individuelles. Le subjectivisme matérialiste était trop puissant chez les anciens pour que l’hypothèse d’un monadisme idéaliste pût venir à la pensée, même des plus détachés de l’ « illusion des phénomènes ». Mais il se produisit un changement singulier dans la manière de voir de Démocrite et de ses disciples sur le sujet extérieur et le phénomène. Démocrite paraissait d’abord établir plus qu’aucun philosophe, la réalité de ce sujet, mais, en le définissant par l’atome et le vide, éternels, immuables, et inobservables, il mettait en saillie par contraste le phénomène, seul observable ; en sorte que la réalité vraie risquait de passer du côté de cette apparence, qui est la chose sensible. Ce n’est pas ce qu’il voulait. Les disciples recueillirent de lui