Page:Restif de La Bretonne - Les Contemporaines, (Charpentier), tome 2, les Contemporaines du commun, 1884.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
LES ÉPOUSES PAR QUARTIER

à la mère à monter en fiacre, et quand tout le monde fut parti, le tessarigame le vit revenir.

— Enfin nous en voilà débarrassés, ma chère Amable ! (dit le jeune homme). Mais il faut prendre garde ! ne t’a-t-on pas vu rentrer ? — Personne ; pas même ta femme de chambre. — C’est bon. — Que nous serions heureux, si tu voulais ! tu as un mari d’or, de s’en aller comme ça pour des trois mois ! Et tu dis que ça arrivera souvent ? — Tous les ans, plutôt deux fois qu’une. — Le bon homme !… Je t’en voulais de l’avoir pris ! mais je ne t’en veux plus… — Je t’avouerai, mon ami, que j’ai regret à le tromper : il en a trop bien agi avec moi. — Ne t’a-t-il pas eue tout seul ces trois mois passés ? — C’est vrai ! mais il en agit si bien ! je t’aimerai toujours ; mais tenons nous en là, mon cher Guérin ! — Ma foi non ! c’est de la viande creuse que ça — ! En même temps, il embrassa la belle Amable, qui se défendit un peu. Mais elle allait céder, lorsque le mari s’écria d’une voix terrible : « Tu es mort ! Malheureux ! » En même temps il lâcha un coup de pistolet. (Car depuis que de Valenclos était coupable, et qu’il avait à craindre, il portait des armes à feu, pour sa défense, en cas d’accident.) Guérin ne fut pas tué du coup, mais il eut l’épaule cassée : Amable s’évanouit et M. Eustache Dubois (ou M. Oui, etc.), n’ayant plus rien à redouter de ses entreprises amoureuses, se retira. — Voilà au moins trois de mes femmes infidèles (pensa-t-il en s’en retournant au faubourg Saint-Denis) ; et voilà ce que j’ai gagné de plus clair à mes mariages !… Épions la quatrième, et si elle est la seule qui m’aime, fixons-nous à elle… Mais il faudra laisser les trois quarts de mon bien aux trois autres, si je ne veux pas me découvrir moi-même !… J’ai fait là une belle équipée ! Triplement, et peut-être quadruplement ce que les autres hommes ne sont qu’une fois, il faudra de plus que je sois dépouillé… Voilà un triste sort !… Il arriva chez sa première femme avec ces tristes réflexions.

Elle était au lit : mais il était si plein de ses visions