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LA DERNIERE AVENTURE

lui. Mais il ne faut pas connaître l’amour pour l’inspirer : Parlis l’éprouva ; sans qu’il s’en défiât, son cœur se trouva pris. Il faut l’avouer, cet homme raisonnable fut effrayé de la naissance d’une passion, qui avait déjà fait le malheur de sa vie. Il voulut éviter son jeune vainqueur. Mais comment faire ? il vivait dans la même maison ; pour rentrer chez lui le passage était une salle, où Élise assise auprès de sa mère, était sans cesse. Elles étaient étrangères ; le père d’Élise, homme sans conduite, était absent et Parlis pouvait être utile ; ce fut ce qui l’attacha davantage : à tout moment, il avait Élise sous les yeux, toujours plus aimable, toujours plus charmante : sa taille légère, son teint de rose et de lis ; le son intéressant de sa voix, son chant, le choix des airs, son sourire aimable ; le charme peut-être plus fort d’un sérieux de dignité qu’elle savait prendre, malgré sa jeunesse, tout augmentait l’attachement de Parlis, et lui faisait trouver du plaisir dans son tourment. Il ne vit qu’un moyen d’échapper ; et voici comme il l’employa.

Parlis avait pour ami particulier, un homme d’esprit, honnête et jouissant d’une fortune assez considérable, nommé M. de Blémont : un jour ils eurent ensemble un entretien, où cet ami ouvrit son âme à Parlis. « Mon cœur est mort, lui dit-il, depuis quatre ans, et je me trouve plongé dans une langueur désespérante : je voudrais trouver un objet, qui me causât une de ces violentes secousses, qui donnent du ressort à l’âme ; comme je ne suis plus de la première jeunesse, je lui servirais de père, j’en ferais ma compagne, mon amie ; elle ferait la douceur de mes jours ; et moi, je deviendrais son guide, son appui !… » Parlis soupira ; puis regardant son ami, d’un air rayonnant de joie, il lui annonça qu’il connaissait le remède à sa situation. Il lui nomma la jeune hôtesse ; le croyant plus propre que lui-même à faire le bonheur d’Élise, il résolut de la lui donner. Il lui parla de cette jolie personne avec enthousiasme, et le portrait avantageux qu’il en fit excita la curiosité : on convint des moyens de la satisfaire. M. de Blémont vint, chez la mère d’Élise, demander Parlis : il vit la demoiselle ; Élise lui plut, et d’après cette première impres-