Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On voit qu’il ne fait point de l’amour une sensation matérielle ni grossière. Cependant, il peut arriver que l’homme, entraîné par ses passions, brise le frein social. Dans ce cas, mais seulement dans ce cas, il a une excuse : « Ce qui est au-dessus des forces de l’homme, ce qui lui ôte la raison, son pouvoir sur lui-même, ne peut le rendre coupable. » Restif sent que cette théorie n’est point dépourvue de dangers. C’est une sorte de grâce d’état qui ne peut exister qu’accidentellement ; l’habitude la détruirait : « Les fautes imprévues et passagères sont de la fragilité humaine, mais un état permanent est d’un malhonnête homme. » Les roués, Richelieu en tête, lui font pitié. Ses aventures ne sont qu’un tissu de fourberies, et les femmes capables d’aimer un tel fat sont à plaindre.

De son temps, malheureusement, presque tous les jeunes gens sont blasés. Cela vient de l’éducation de la jeunesse : « On voit une mère avoir la folie de mener au spectacle son fils de trois à quatre ans… Le Parisien, dès l’enfance, vit avec les femmes, sait tous les secrets de la toilette, voit tout le négligé du matin. Qu’en résulte-t-il ? Qu’il est insensible au charme du sexe et qu’il lui faut les écarts du libertinage pour lui faire éprouver des sensa- tions[1]. »

Restif s’est beaucoup occupé des jeunes gens, qu’il connaissait bien. Il leur a souvent donné des conseils[2], et leur a montré le personnage

  1. Nuits de Paris, p. 248.
  2. V. Nuits de Paris, pp. 413 et 2342.