Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/165

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entend tes cris ! Victime innocente, tu gémis, hélas ! sans être entendue ! »

69. Le 31 maii : Sara Debée felicem foras. Le lendemain, je me levai dès le matin, et j’écrivis cette date deux fois, la première sur le milieu du pont de la Tournelle, la seconde au premier angle obtus à droite, après le Pont-rouge. Cette date signifie : 31 mai, Sara Debée fait un heureus hors de chés elle.

J’avais la poitrine oppressée, je respirais à peine : je sentis toutes les fureurs de la jalousie et toutes les angoisses de l’amour. Ce jeudi 31 mai 1781 fut une terrible journée ; elle m’a pour jamais dégoûté de l’amour. Je me représentais, je me disais sans cesse : « A mon âge, la perte d’un cœur possédé, n’importe à quel titre, est une perte irréparable… » J’avais raison, mais je ne possédais pas celui de Sara, je ne perdais rien, parce que je n’avais rien eu ; mais je croyais perdre, en ce moment. Hélas ! j’étais près à perdre une illusion chérie !… Je passai une nuit cruelle : je sentais une oppression mortelle. J’étais obligé de m’agiter le corps, pour faire circuler mon sang. Je m’écriai : « Quoi ! j’aime à cet excès ? »

70. I jun. Matrem redeuntem solam video sero. (1er  juin, j’ai vu, le soir, la mère seule de retour.) Qu’on s’imagine tout ce que je dus sentir, en voyant cette femme seule, ramenée par Lavalette, que je vis pour la première fois ! Je crus Sara vendue, livrée malgré elle… Je me trompais ; elle était restée volontiers ; mon rival retourna… il retourna… coucher avec elle, puisqu’il faut le dire. Quelles dates