Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/216

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se mit à verser des larmes. — « Hélas ! vous l’avez dit, que ma position est bien changée !… J’avais ma mère… et je l’ai perdue !… Elle avait du viager ; nous vivions à notre aise : M. Maillard maître-d’hôtel du marquis de *** me crut fortunée. Je lui plus, par ce tour aisé qu’on me trouve et que vous avez loué en montant : il m’épousa. Tant que ma mère a vécu, il m’a bien traitée, mais, dès qu’elle a été morte, furieus de voir que tout le revenu mourait avec elle, il m’a signifié que j’eusse à me mettre femme de chambre. Je sais très-bien coifer, je trouvai facilement une maison ; mon mari en agissait encore assés bien avec moi. Mais le malheur voulut que le comte, mari de ma maîtresse, devint amoureus de moi. Je le rebutai : il me fit des menaces et des promesses. Les premières me déterminèrent seules. Ma maîtresse se douta de quelque chose ; elle me renvoya : mon mari jeta les hauts cris et voulut me faire renfermer. Je me vis obligée de me cacher, parce qu’il était appuyé du crédit de la comtesse. Je manquai du nécessaire, et… je me vis réduite… à écouter… quelques connaissances. Voilà toute mon histoire, sans auqu’un déguisement. »

« Vous n’êtes pas faite pour un état aussi vil, lui répondis-je ; ainsi je vous promets de m’intéresser pour vous : mais il faut être sage ! Je crains bien que votre posicion n’ait déjà corrompu votre cœur : parlez-moi sincèrement ? »

La Maillard demeura interdite : je vis que le mensonge ne lui était pas encore familier, j’eus le courage de croire à la possibilité de la