Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/52

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désigné, je n’osais presque plus sortir seul, ni le jour, ni dans l’obscurité. Non que je redoutasse un homme, mais je craignais une surprise qui devenait facile aux malintentionnés, à cause de ma concentration[1]. »

Désespéré, Restif écrivit au secrétaire du prévôt des marchands, qu’il connaissait. Tout ce qu’il obtint fut une sentinelle, qui le protégea quelques jours[2]. C’était déjà beaucoup pour un homme atteint de cette manie lapidaire, qui ne pouvait exciter l’intérêt de la police municipale, au contraire.

Il fit part de son chagrin à ses amis qui s’y associèrent, peut-être en riant sous cape : « Vous êtes étonné, lui écrivait obligeamment le censeur Bralle, de ce que les polissons de l’île Saint-Louis vous prennent pour un espion ! Se sont-ils trompés ? Ne l’êtes-vous pas de nos travers, de nos défauts et de ceux de l’univers entier ? Et ne les dénoncez-vous pas, tous les jours, au tribunal de la saine philosophie ? Mais ces enfants, au lieu de vous craindre et de vous poursuivre, auraient bientôt gémi avec vous, si vous leur eussiez donné le mot de l’énigme : Tempus rigidum 1786[3] ! »

Donc, Restif ne goûtait plus tranquillement son plaisir favori. Ce fut bien pis quand Auge se mit à révolutionner le quartier par ses esclandres, à faire des scènes à son beau-père et à sa femme au jardin du Roi, dans la

  1. Nuits de Paris, p. 3224.
  2. V. §§ 613 et 618, pp. 159 et 161.
  3. Les Contemporaines, 2e édition, t. XIX. Lettre datée du 11 janvier 1786.