que, personnellement victime des abus de l’ancien régime, il les préfère à ceux du nouveau, il laisse échapper cette phrase qui peut passer pour un compliment, mais qu’il se fût bien gardé d’écrire, auparavant : « Vous avez beau graver dans l’île, sur la pierre ; ce que vous écrivez avec la plume bravera mieux les injures du temps[1] ! »
Ils se revirent pourtant, après la Révolution, et un passage de Monsieur Nicolas laisse entendre que l’amitié de Restif pour La Reynière était supérieure aux vicissitudes de la vie[2].
Restif n’a publié qu’une réponse aux lettres du gastronome ; elle est datée de 1792. Le tour de l’île est resté sa seule consolation, depuis trois ans : « Je ne vois plus, dit-il, ni Bralle, ni la citoyenne Deluynes (sic), ni Sieyès qui m’a envoyé ses immortels ouvrages, ni le citoyen Senac-Meilhan, ni les deux honnêtes académiciens d’Amiens, ni Beaumarchais dont j’aurais pourtant grand besoin. On ne m’entrevoit plus que le soir, sur l’île, qui est mon cimetière à moi, m’entretenant volontiers avec les absens qui ne m’aigrissent pas, et jamais avec les présens… Je revois annuellement ces dates si fort étudiées, souvent effacées par
- ↑ Drame de la vie, appendice.
- ↑ T. XI, p. 68. Par contre, dans un passage des Nuits, t. XVI, p. 312, il dit que La Reynière, autrefois son ami, est devenu son « ennemi mortel ». Il dit aussi, dans Monsieur Nicolas, qu’il fut un temps où il loua beaucoup La Reynière, mais, ajoute-t-il, « ce qui est vrai dans un temps, souvent est faux dans un autre ». De son côté, La Reynière parle, dans une de ses lettres, d’un « tour » que lui aurait joué Restif. Il ne s’explique pas davantage.