Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/72

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nais ici (dans l’île) en tremblant ; qu’en 1790 j’avais des peines cruelles et une sorte de désespoir ; qu’en 1791 j’étais encore dans la douleur ; qu’en 1792 j’ai fini d’imprimer le Drame de la vie ; qu’en 1793, qui est aujourd’hui, j’ai trouvé un ami généreux[1] qui vient à mon secours, pour achever d’imprimer mon Année des dames nationales et commencer Les ressorts du cœur humain dévoilés. Je vis, en un seul instant, dans quinze années différentes ; je les goûte, je les savoure… Voilà pourquoi je reviens ici, à tous risques. Il est vrai que la tranquillité dont les enfans de la populace m’y privent diminue ma jouissance ; mais ils ne l’anéantissent pas tout-à-fait. Je ne saurais plus goûter ici les rayons bienfesans du soleil ; je n’y puis venir que le soir, au risque d’être assassiné par des bandits, mais cette crainte n’anéantit pas entièrement ma sensibilité. »

Cette dernière note, de l’hiver 1792, montre combien il avait été dangereux pour lui. Mais il a beau être lapidé, couvert de boue et d’insultes par les gamins sans pitié dont il est le souffre-douleur, le pauvre Restif revient encore pleurer dans son île :

« Note.

C’est dans une simple note que je dois raconter, non les anciennes injures qui m’ont été faites sur l’île, mais les nouvelles. Le 3 novembre 1792, je passais, revenant de la pointe orientale. Les enfans fesaient une patrouille factice. Je m’en croyais oublié, ou inconnu.

  1. François Arthaud. V. p. 88