Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/146

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de ses filles ; « mais qu’est qu’ça fait ? Une bouchée d’pûs, une bouchée d’moins, la mort vînt toujou’s. » Un jour, on vint lui dire que son fils aîné, qui était soldat et déserteur, allait être pris et qu’il aurait la tête cassée. Blaise couvrait, en ce moment ; il ne répondit mot. — « Quoi ! vous n’irez-pas représenter que votre fils a une incommodité ? vous savez qu’il est sourd. — J’y pensais, répondit Blaise ; « allez leû dire que je suis vieux, que je ne suis bon à rien ; qu’on n’a qu’à me casser la tête à sa place[1] ; ça l’corrigera, et il achèvera mon toit. » Son fils ne fut pas pris : il s’était exercé à la course ; il franchit le mur de notre enclos, laissant le ruban de sa queue dans les mains du sergent qui l’arrêtait, et plus vite qu’un lièvre, il gravit la colline de Côte-Grêle. On le poursuivait à cheval ; mais la colline étant roide, les chevaux furent rendus, avant qu’on pût l’atteindre. On vint le dire à Blaise, qui n’avait pas quitté son toit. — « Je ne me dédis pas démon offre : allez leû dire. » Ce même homme était d’une taciturnité à citer. « Un jour, il revenait d’Auxerre avec un homme aussi singulier que lui, nommé Malbrough, parce qu’il avait servi contre ce fameux général Anglais. En sortant de la ville, Malbrough dit à Blaise : « V’lai d’biaux blés ! » Blaise les regarda ; mais sa réponse n’était pas prête. Les deux voyageurs s’entretinrent

  1. Blaise parlait sérieusement : on faisait de ces remplacements à l’égard des Huguenots.