Page:Retté - Le Symbolisme. Anecdotes et souvenirs.djvu/186

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Mais je ne sache pas que nul d’entre nous s’en soit prévalu pour soumettre des drames au jugement de M. Coquelin cadet ou de Mlle Reichemberg. Le seul Jean Moréas a eu l’intention, je crois, de présenter sa belle tragédie d’Iphigénie à la Comédie-française. Encore ne fut-ce qu’un projet non suivi d’exécution.

Jean Carrère a donc eu tort d’écrire dans l’article dont je viens de citer un passage : « Ce soir-là, toute la jeunesse s’en alla pensive. Pendant un mois, le quartier fut morne et les brasseries désertes. La nuit, autour du Panthéon et du Luxembourg, on voyait des lumières à chaque mansarde. Toute la rive gauche mystérieusement parachevait des drames en vers. »

Carrère est un bon garçon qui ne manque ni de verve ni d’imagination. Mais lorsqu’il écrit sur les temps héroïques du symbolisme on dirait qu’il éprouve le besoin de se faire pardonner d’avoir cru à l’art et aux convictions désintéressées. Il prend un ton de plaisantin ; il vise à faire rire le lecteur aux dépens de poètes dont les moindres avaient, au moins, ce mérite, d’être des convaincus. C’est là un défaut de courage dont il importe de le blâmer. Que Carrère n’en doute pas : si nous avons fini par nous imposer, c’est parce que nous avons toujours, même dans nos plaisanteries, respecté notre art. Nous n’étions ni des fantoches assoiffés de notoriété ni des clowns préoccupés « d’épa-