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AU PAYS DES KANGAROUS

dant seulement de venir la délivrer dans le cas où elle serait faite prisonnière.

Se débarrassant de la robe qu’elle avait consenti à revêtir pour vivre au milieu de ses amis, et ne gardant que son manteau de fourrures, elle saisit un épieu de la main droite, et, passant sous bois, s’offrit soudain à la vue des négresses en feignant d’être harassée de fatigue et de venir solliciter de la nourriture et du repos, comme cela avait été convenu avec ses amis.

En apercevant la nouvelle venue, les femmes sauvages se levèrent d’un seul bond, pendant que les chasseurs se tenaient prêts à aller au secours de Baldabella. Mais celle-ci, mièvre et délicate de forme, n’avait pas excité la crainte chez ses camarades à la peau noire. Elle s’avança et adressa la parole aux deux femmes, en leur demandant aide et secours.

On lui fit signe de s’asseoir et de prendre sa part des amas de noix qu’on lui présentait. À ce moment-là, la pluie recommençait à tomber ; tous, femmes et enfants, pénétrèrent dans la caverne.

Les chasseurs attendirent avec une certaine angoisse : ils songeaient déjà à s’élancer au secours de leur compagne ; mais, après mûre réflexion, il leur parut préférable de laisser agir Baldabella.

Arthur examinait avec soin son fusil, et plaçait au sec sa provision de poudre sous son manteau de fourrures, lorsque tout à coup la voix de Wilkins frappa ses oreilles, accompagnée des coo-ee poussés par les femmes.

Enfin Baldabella parut à l’orifice de la grotte, suivie par Wilkins, qui semblait très excité et fort souffrant. Il tenait un fusil dans la main, et on le vit courir du côté où les jeunes gens attendaient, comme eût pu le faire un homme ivre, vacillant sur ses jambes.

« Prenez cette arme, monsieur Hugues, s’écria-t-il, et hâtez-vous de la charger. J’ai les mains tellement engourdies et gonflées par les cordes qui les entouraient, que je serai longtemps avant de pouvoir m’en servir. Quels misérables ! quels gredins ! en route ! vous dis-je ; fuyons, puisque nous le pouvons encore. Ces monstres d’enfants vont bientôt attirer sur nous une nuée de guêpes. »

Sans prendre plus de précautions, la petite troupe s’élança à travers bois et parvint à la plaine, tandis que les coo-ee des femmes retentissaient à leurs oreilles, suivis bientôt des rappels exprimés par les hommes noirs à une grande distance.

Wilkins, qui avait eu les jambes ficelées, était dans l’impossibilité de marcher bien vite : Arthur ordonna donc à O’Brien et à Jack de prendre les devants pour garder et fermer au besoin la passe de la forêt sombre, tandis que Hugues, Baldabella et lui, resteraient près de Wilkins pour protéger sa retraite.

Les deux frères attendirent, pour faire usage de leurs armes à feu, que la troupe des noirs eût ouvert les hostilités en faisant pleuvoir sur eux une nuée de flèches. En ce moment-là, Arthur et Hugues pressèrent la détente de leurs fusils dans la direction des noirs, qui se précipitèrent aussitôt en arrière et disparurent au milieu de leur bois.

Deux hommes étaient restés pour faire le guet sur la lisière ; mais un coup