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AU PAYS DES KANGAROUS

Le vent entraînait la flamme, avec la rapidité d’un cheval au galop, dans la direction du sud. Il fallut que les voyageurs attendissent qu’un passage leur fût ouvert, pour qu’ils pussent continuer leur route.

Ils gardaient tous le silence, quand un chant lugubre exprimé à mi-voix vint frapper les oreilles de toute la famille. En cherchant d’où venait la voix qui s’exprimait ainsi, on apercevait Baldabella, qui, prosternée devant le cadavre du sauvage cause de l’explosion, se lamentait sur la fin malheureuse de son compatriote.

Nakina, à genou près de sa mère, semblait comprendre la solennité de cette triste « veillée du mort » et sa voix enfantine se joignit à celle de sa mère.

Max Mayburn très affecté de ce spectacle, s’avança près de ces deux individus de la race noire, et fit comprendre Baldabella que c’était Dieu qui avait voulu donner une leçon à ses frères ; il ajouta qu’il fallait recourir à la prière, afin d’obtenir le pardon de Celui qui est le maître de la vie humaine.

« Allons ! relevez-vous maintenant, ma chère sœur, dit-il en s’adressant à la mère ; prenez votre enfant par la main, et songeons à nous éloigner de cet endroit fatal.

— Comment faire ? où porter nos pas ? Mon avis est de ne point nous éloigner du fleuve, observa Arthur ; mais ici nous n’avons plus de chance de trouver la moindre nourriture. »

Baldabella désigna l’autre côté du courant d’eau.

« Allons là-bas, dit-elle il y a des racines, des noix et pas d’hommes noirs. Les amis du frère mort vont revenir bientôt, peints en guerre, pour reprendre leur camarade. Ils tueront tous les « visages blancs » mangeront Nakina et emmèneront Baldabella. »

Traverser la rivière paraissait être, en effet, le plan le meilleur à suivre ; mais c’était chose difficile à accomplir. Le courant d’eau était large et profond. Les jeunes gens eussent pu se jeter à la nage ; mais ni les femmes ni Max Mayburn ne pouvaient suivre cet exemple.

Jack regardait de tous côtés et semblait désespéré. Il n’y avait pas un arbre, et, en admettant qu’il y en eût eu, les sauvages leur avaient volé leurs haches. Tous les voyageurs examinèrent avec soin l’endroit où le pillage avait eu lieu, avec l’espoir d’y retrouver quelque instrument qui eût échappé aux voleurs ; mais, à l’exception des arcs des indigènes et de l’épieu servant pour pêcher à Baldabella, tout avait disparu. Par bonheur, Wilkins possédait encore un couteau de bonne dimension qu’il portait d’habitude sous sa blouse, et qui avait échappé à l’investigation des sauvages.

« Allons ! tout n’est pas perdu, observa Jack nous allons couper ces grands bambous, et nous en ferons un radeau pour les autres. Qu’en pensez-vous, monsieur Arthur ? Il me reste encore quelques clous dans la poche, et voici une pierre trouée, qui, emmanchée dans un bout de roseau, servira de marteau pour joindre les traverses. »

Sans plus tarder, Jack abattit un tas de bambous, qu’il aligna côte à côte par terre et sur lesquels il plaça des barres transversales. Les clous et le