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VOYAGE

Ce fut sous un de ces arbres que l’on fit halte pour prendre part aux steaks de kangarou, et Wilkins, à l’aide de bandes de la peau de l’animal et des os de poisson, se mit à réparer les chaussures en mauvais état. Marguerite et Baldabella nattaient des corbeilles et des sacs d’écorce, tandis que Ruth et Jenny écrasaient des grains d’avoine, produit de la récolte de tous les voyageurs pendant la marche du jour.

« Je compte fabriquer un sac avec le reste de la peau du kangarou, objecta Jack ; car il faut emporter une grande quantité de cette avoine sauvage, dans la prévision de nous trouver un de ces jours en un endroit où il n’y en aurait pas. »

Max Mayburn se plaisait à voir ainsi toutes les mains occupées. Il ne regrettait que ses livres, devenus la proie des sauvages illettrés. Par bonheur, sa mémoire suppléait à cette perte, et il pouvait répondre à ses enfants et aux autres compagnons sur toutes les questions qui lui étaient adressées.

Quand la nuit fut venue, on songea à demander au repos l’oubli de la fatigue de la journée. Les pauvres voyageurs, ensevelis dans un profond sommeil, furent réveillés par un bruit insolite, et, aux lueurs du crépuscule, ils purent apercevoir les hideux visages d’une troupe de sauvages, armés de zagaies, qui ordonnèrent à leurs prisonniers de se lever et de les suivre.

Hugues et Gérald voulurent saisir leurs arcs et leurs flèches ; mais Arthur leur enjoignit de ne faire aucune démonstration hostile.

« Nous sommes au pouvoir de ces hommes, leur dit-il ; ce que nous avons de mieux à faire, c’est de ne pas résister et d’entrer en pourparlers. Laissez-moi agir seul. »

Et se tournant du côté du sauvage qui se tenait près de lui, il lui fit comprendre, à l’aide de quelques mots que Baldabella lui avait enseignés, que ses amis et lui étaient pacifiques, et ne demandaient qu’à continuer tranquillement leur route.

Le noir, ainsi interpellé, fit volte-face, comme s’il eût voulu céder sa place à un autre pour répondre aux paroles d’Arthur ; en effet, au grand étonnement de ce dernier, ce fut une personne qui parlait anglais qui s’avança au milieu du cercle.

« Nous écouterons volontiers un projet d’accommodement. Payez-nous, et vous serez libres. »

Ce n’était pas la première fois que les Mayburn entendaient la voix de cet homme. Hugues fut le premier à mettre un nom sur son visage.

« Mais c’est Bill ! s’écria-t-il. Comment se fait-il que vous soyez ici, vous ? M. Deverell se trouve-t-il dans ces parages ? »

L’individu, qui portait encore des haillons de son costume de convict, regarda effrontément le jeune homme et lui dit :

« Vous vous trompez ! je ne vous connais pas.

— Pourquoi feindre ? pourquoi mentir ? répliqua Arthur ; nous savons que vous êtes un convict ayant fini son temps, engagé par M. Deverell à Melbourne. Je suis peiné de vous retrouver en mauvaise compagnie, et je vous engage à vous joindre à nous, afin de nous conduire jusqu’à la de-