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VOYAGE

Max Mayburn et Marguerite, qui ne pouvaient se décider à goûter au poisson pourri et aux viandes sanglantes qu’on leur donnait pour se nourrir, tombèrent bientôt dans un état de faiblesse qui alarma tous leurs autres compagnons de captivité. Quatre jours s’étaient écoulés depuis le départ de Jack ; et Marguerite, malade et languissante, ne pouvait trouver le sommeil, quand, après minuit, elle entendit gratter derrière la cabane, sur l’écorce qui en composait la muraille. Très alarmée de ce fait, mais pouvant à peine remuer, elle réveilla Jenny, qui dormait à ses côtés. Au même instant, la voix sympathique de Baldabella se fit entendre à travers une fissure de la paroi.

« Miss, bonne miss disait l’excellente créature, Baldabella a parcouru le camp ; ils dorment tous : elle apporte du pain, du poisson pour bon maître et sa fille. »

En effet, à travers l’ouverture que la mère de Nakina avait élargie, elle fit passer aux prisonniers des galettes préparées comme celles de Jenny Wilson, du poisson grillé et un vase contenant du thé chaud, ce qui formait un repas abondant et salutaire.

Quand la bienfaisante négresse eut donné tout ce qu’elle avait apporté, elle murmura encore ces mots :

« Baldabella va fabriquer encore du pain ; elle reviendra la nuit prochaine. Elle prie Dieu de protéger les « visages blancs » ses amis. »

Les infortunés se réjouirent d’avoir secouru la brave femme, qui, cette nuit-là, leur donnait de telles marques de reconnaissance, et exprimait des sentiments si chrétiens et si dignes d’éloges. Les vivres qu’elle avait préparés rendirent des forces à Max Mayburn et à Marguerite ; ils reprirent courage, et songèrent de nouveau à l’heure de la délivrance et à leur réunion à leurs bons amis les Deverell.

Pendant trois nuits consécutives, Baldabella revint avec des provisions qui ravivèrent les naufragés prisonniers : sans elle ils seraient morts de faim, car les sauvages ne se souciaient pas d’autre chose que de toucher la rançon promise. Davy seul apportait aussi, à la faveur de l’ombre, l’eau indispensable aux malheureux, et se plaisait à écouter ceux-ci lorsqu’ils récitaient leurs prières d’actions de grâces.

Le convict se repentait de la vie misérable qu’il avait menée jusqu’alors. Sans la pression de son frère Bill, jamais il n’eût volé, jamais il n’eût été condamné à la déportation, et il n’eût point quitté M. Deverell.

Mais cet esprit faible subissait l’influence fatale de son aîné. Il raconta aux Mayburn la façon dont ils avaient dérobé au maître de la « ferme des Marguerites » un troupeau, un cheval et deux fusils, qu’ils avaient vendus à un voleur pour avoir de l’eau-de-vie. Cela fait, Bill avait entraîné son frère dans les bois, de crainte de la police, et tous deux s’étaient réfugiés au milieu des sauvages.

« Je suis perdu, disait Bill, je le sais bien ; car si jamais les gens du gouvernement s’emparent de moi, je connais le sort qui m’est réservé : une corde au cou et une gigue[1] en haut de la potence.

  1. Sorte de danse écossaise.