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AU PAYS DES KANGAROUS

montrent pas plus d’ardeur à éteindre le feu. Aucun d’eux ne quittera le bord du Golden-Fairy !

— Ce n’est pas vous qui les en empêcherez, répliqua le second en s’adressant à Markham. Le foyer de l’incendie s’étend jusqu’à la soute aux graisses : nous sommes perdus ! Allons ! n’hésitons plus, mes amis, ajouta-t-il en s’adressant aux matelots. Que chacun s’empare de ce qu’il jugera bon pour sauver son existence. C’est le moment ou jamais de mettre les embarcations à la mer. »

Cet encouragement à la révolte trouva un écho rapide parmi tout ce monde-là, et, malgré les efforts énergiques du capitaine, on exécuta la manœuvre de descendre les canots.

À ce moment-là, Arthur et Jack s’adressèrent aux matelots et les prièrent de réserver une place aux passagers, qui sauraient bien récompenser leur bonne volonté.

Le second du navire, qui avait pris le commandement de tous les révoltés, se mit à rire en entendant cette requête.

« La charité pour nous d’abord, s’écria-t-il ; nous n’avons pas de place à donner. En avant, mes enfants ! arrimez les biscuits et les tonnes d’eau-de-vie dans les canots. Je me charge de la caisse du bord. Arrière, messieurs les aristocrates du navire ; et surtout ne raisonnez pas, car je suis tout prêt à vous jeter par-dessus bord, hommes et femmes, au moindre geste, au premier mot.

— Nous n’avons pas la moindre chance de nous emparer d’une embarcation, dit Jack à Arthur Mayburn. Ces maudits coquins les ont prises ; mais nous pouvons fabriquer un radeau à l’aide de tous ces morceaux de bois que voici, et, cela fait, nous le jetterons à la mer pour nous y embarquer. »

Tandis que cela se passait, Markham s’abandonnait au paroxysme de la rage s’élançant sur le chef de la révolte, et le prenant au collet il lui déclara qu’il allait le mettre aux fers ; mais celui-ci, plus fort que le capitaine, se débarrassa d’un coup de main de cette étreinte et lança Markham au milieu des flammes.

« Ce que vous faites là est un crime de félonie, » s’écria alors un des matelots nommé Wilkins, qui, s’avançant vers Jack, ajouta ces paroles : « Je n’ai jamais commis de meurtre, et ne veux pas suivre des bandits tels que ces gens-là ; je reste donc avec vous. »

Max Mayburn adressa bien quelques paroles à son fils Arthur, comme pour l’engager à ne point accepter l’offre de ce convict.

« Vous êtes trop bon chrétien, mon père, répliqua celui-ci, pour repousser l’homme qui se repent et ne veut pas continuer à vivre avec des hommes dont la vie est criminelle. D’ailleurs, il est trop tard ; regardez, mon père, les bateaux s’éloignent et nous abandonnent. »

En effet, le second et les plus enragés marins du Golden-Fairy s’élançaient déjà sur la cime des vagues en poussant des cris sinistres. Ils ne tardèrent pas à disparaître au milieu de l’obscurité.

La deuxième embarcation abandonna également les passagers, sans qu’aucun des hommes qui la montaient voulût donner un coup de main à Arthur