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AU PAYS DES KANGAROUS

Les deux oisillons rôtis avaient été entraînés mais on fit cuire des pommes de terre, et chacun s’estima très heureux d’avoir un pareil repas tandis que la pluie tombait à verse au dehors et que le tonnerre grondait dans la montagne.

« Il nous sera impossible d’aller plus loin aujourd’hui, observa Hugues, qui venait d’examiner l’horizon. Qu’allons-nous faire, Gérald ? »

Tandis que le jeune Mayburn s’adressait ainsi à O’Brien, Jack, retiré dans un coin, s’occupait à confectionner des flèches au moyen de nombreux bambous qui croissaient de tous les côtés ; et les autres jeunes gens, encouragés par cet exemple, se mirent à fabriquer des zagaies, des arcs et des massues. Arthur nettoyait sa carabine ; Marguerite façonnait une corbeille de joncs pour y loger les œufs, et Max Mayburn lisait un livre de prières.

Wilkins seul ne faisait pas autre chose que de tordre en cigarettes des feuilles d’arbre, et de les fumer paresseusement couché sur le dos.

Tout en travaillant, les jeunes gens avaient remarqué que le niveau de la rivière augmentait toujours, et ils concevaient de l’effroi en voyant que l’eau atteignait presque le sol de la caverne où ils avaient trouvé un refuge. Ils se disaient que, si cette inondation augmentait, il leur serait impossible de fuir. Leur anxiété était extrême, lorsqu’à leur grande joie la pluie cessa, et avant que la nuit fût arrivée le niveau de la rivière s’était abaissé.

Par bonheur, les moustiques avaient disparu, et ils purent se reposer dans leur refuge souterrain.

Quand l’aube parut, les voyageurs étaient toujours bloqués par l’inondation et ne pouvaient songer à s’éloigner ; car il n’y avait aucun sentier frayable le long de la rivière. La journée entière se passa dans la frayeur d’un nouvel orage et dans l’anxiété d’être en proie aux angoisses de la faim.

Le jour suivant, l’eau s’était encore abaissée ; mais les pauvres voyageurs ne pouvaient passer outre : les falaises étaient trop hautes pour qu’on pût les gravir, la rivière trop profonde pour qu’il fût possible de la traverser sans bateau, et ses rives trop glissantes pour qu’on pût les suivre sans se heurter à chaque pas à des roches ou à des arbres abattus.

Peut-être, au risque de grands dangers, eussent-ils pu revenir sur leurs pas jusqu’au ravin dans lequel, deux jours auparavant, ils avaient vu les indigènes ; mais là était le péril. Il ne fallait pas abandonner la bordure de la rivière, qui offrait de l’eau à boire, et le long de laquelle on trouverait des vivres de toutes sortes.

Arthur demanda à son père quel était son avis.

« Fais comme tu l’entendras, répéta-t-il. Quant à moi, je n’ai pas assez d’énergie pour donner un conseil.

— Nous allons diviser entre nous les paquets qu’il faut transporter. Marguerite, tu donneras à Jenny et à Ruth une partie des objets contenus dans le portemanteau.

— C’est inutile, Mademoiselle, répliqua Wilkins, je me charge de porter ce sac de cuir sur les épaules. »

Arthur s’opposa à cet arrangement, et Marguerite allégea le portemanteau en faisant trois paquets, qui furent bissés sur ses épaules et celles de Jack et d’Arthur.