Page:Revue Contemporaine, tome 5, 1886.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


LA MORT DANS L’AMOUR

sonnet xxiii


Dans le cortège de la Vie, parut une figure
Qui avait les ailes de l’Amour, et qui portait son gonfalon :
Sur l’étoffe merveilleuse, noblement ouvrées
Ta forme et ta chair, ô visage sans âme !
Des bruits mystérieux, pareils à ceux auxquels le Printemps s’éveille,

Frémissaient dans les plis de la bannière, et à travers mon cœur, son aspect

Passa vite et sans laisser de traces, comme l’heure inoubliable
Où le sombre portail de la naissance grinça et tout fut neuf.


Mais suivait une femme voilée ; elle enroula
La bannière autour de la hampe pour la ployer et rattacher ;
Elle prit une plume à l’aile du banneret
Et la tint à ses lèvres qui ne l’agitèrent pas ;
Et elle me dit : « Regarde, il n’y a point de souffle :
Moi et cet amour ne faisons qu’un et je suis la Mort. »