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Page:Revue bleue Série 5 Tome 8 Numéro 4, 27 juillet 1907.djvu/6

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D’un air concentré et brusque. Bonjour ! </poem>


PERETTE

Ô juste ciel !


LE PETIT MAÎTRE

Ô bélître !


L’AMBASSADEUR

Ô grand homme !


LE PETIT MAÎTRE

À quoi tient-il que mon pied ne l’assomme !


L’AMBASSADEUR

Monsieur pourrait être moins bilieux
Et dans les rois reconnaître les dieux.


LE PETIT MAÎTRE

En vérité, je crois que la cervelle
Tourne à la fin à l’engeance mortelle.
Je n’aurais pu jamais me figurer
Que pareils fous se pussent rencontrer.
Celui-ci tient une bonne marotte :
Il veut trouver un roi dans Arlequin,
Comme autrefois le brave Don Quichotte
Prit un château pour un fier paladin.
Bonsoir, Messieurs, Diogène moderne,
Tu ne veux point de mes deux cents écus.
Je t’abandonne et consens qu’on te berne.
Va-t-en régner. Je ne reviendrai plus.

SCÈNE VI

L’AMBASSADEUR, ARLEQUIN

L’AMBASSADEUR

Si le décret d’une austère sagesse
De la grandeur dégoûte Votre Altesse,
Souffrez au moins que j’apporte à vos pieds
Quelques présents qui vous sont envoyés :
Un casque d’or, une robe, une épée,
Une médaille en votre honneur frappée,
Trois diamants de cinquante carats.


ARLEQUIN

Apportez tout… Mais non, je n’en veux pas.


L’AMBASSADEUR

Daignez, Seigneur !.. Ah ! c’est le seul hommage
Que la fortune ait jamais fait au sage.


ARLEQUIN

Vous paraissez un assez bon sujet…
De mon soleil ôtez-vous, s’il vous plaît.


SCÈNE VII

ARLEQUIN, ' qui a aperçu Perette ; 'PERETTE

ARLEQUIN

De ces fâcheux la cohorte m’ennuie.
Un beau matin je pars pour l’Arabie.
Pour l’Arabie… oui… Par là je vivrai
Indépendant et du monde sevré.
Quelque rocher ou quelque antre terrible
Accueillera ma sagesse paisible,
Et j’aime mieux quelques ours mal léchés
Que l’animal qui marche sur deux pieds.


PERETTE

Est-ce trop peu d’être devenu sage ?
Vous voulez fuir encor de ce rivage.
Votre chagrin a donc juré ma mort ?..
Je vous suivrai ; mon sort est votre sort.
Mon cœur… le vôtre, et je ne saurais vivre
Sans vous aimer, sans mourir ou vous suivre.


ARLEQUIN

Vous n’êtes point de ces prudes beautés
Dont les discours sont toujours frelatés,
Et vous devez abhorrer la sottise
De leur touchante et sainte mignardise.


PERETTE

Oh ! je la hais !


ARLEQUIN

Votre cœur innocent
Laisse parler tout pur le sentiment ?


PERETTE

Oui.


ARLEQUIN

Vous m’aimez comme vous me le dites ?


PERETTE

Oui.


ARLEQUIN

Je vous hais, perle des chattemites.
J’irai si loin que vous ne pourrez pas
Y promener vos faciles appas ;
Et pour tromper votre feu ridicule,
Je passerais les colonnes d’Hercule,
Le Groënland, le Monomotapa,
L’île Minorque et Majorque, et Cuba,
Ô Taïti, le Cap Vert et les Sables
De l’Hircassie ; enfin, j’irais aux diables.


PERETTE

Je vous suivrai.


ARLEQUIN

J’irai chez le Tartare.


PERETTE

Je vous suivrai.