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Page:Revue bleue Série 5 Tome 8 Numéro 4, 27 juillet 1907.djvu/7

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ARLEQUIN

J’irai dans le Ténare.


PERETTE

Je me tuerai !


ARLEQUIN

Je ne me tuerai pas.


PERETTE

Jusqu’aux enfers j’accompagne vos pas.
Mais est-il dit, hélas ! que votre bouche
Ne s’ouvrira qu’avec cet air farouche,
Et qu’un souris ne m’apprendra jamais
Que votre cœur, sensible à mes regrets,
Plaint un moment la douleur qui m’oppresse
Et par pitié partage ma faiblesse.


'ARLEQUIN, ' avec un air mignard.

Ah ! vous pourriez respecter mon honneur,
Et de mon sexe épargner la pudeur.
Mon air farouche est la seule décence,
Et mes combats ceux de mon innocence.
En vérité… Mon Dieu… Quelles vapeurs…
En vérité… Madame… Je me meurs.
Perette va le retenir et veut l’embrasser.


ARLEQUIN

Vous abusez… de mes vapeurs soudaines
Holà !.. Madame… épargnez-vous ces peines
Et si quelqu’un… arrivait… dans ces lieux
De ma vertu… que dirait-on… grands dieux !
D’un air véhément.
Retirez-vous, Madame, je vous prie.
Je crains de vous quelque supercherie.
Retirez-vous ; je crains vos attentats.
Je vais crier… Je ne vous aime pas…
Voici quelqu’un ; un homme noir s’avance ;
Et près de lui mon homme de finance.
Que veulent-ils ?
Il saute hors du tonneau.

SCÈNE VIII

LE FINANCIER, UN COMMISSAIRE, PERETTE, ARLEQUIN, RECORS.

'LE FINANCIER, ' au commissaire.

Monsieur, voici le fou
Que l’on devrait mettre vous savez où.
Cet enragé, que Dieu veuille confondre !
Plein des vapeurs d’une bile hypocondre
Dans ce tonneau gourmande les passants,
Et ce faquin, entiché de bon sens,
Mérite enfin qu’au donjon de Vincennes
Vous l’envoyez faire le Diogène
Et le Caton.


'ARLEQUIN, ' au commissaire.

Monsieur, voici le sot
Qui, sous cet or, m’a bien l’air d’un escroc.
C’est un coquin que la vérité blesse,
Qui craint le jour où luirait sa bassesse.
De sang humain il paraît engraissé ;
Et, par dessus, c’est un lourd insensé.
Vous devriez au donjon de Vincennes
Nous l’envoyer faire le Démosthène
Et l’honnête homme.


LE FINANCIER

Holà ! maître maraud.


'LE COMMISSAIRE, ' à Arlequin.

Que faites-vous, Monsieur, de ce tonneau ?
Ceci n’est pas d’une tête bien saine.


ARLEQUIN

C’est un tonneau qu’à ma cave je mène.


LE FINANCIER

Mais nieras-tu que tu m’as insulté ?


'ARLEQUIN, ' ironiquement.

Ah ! Monseigneur trahit la vérité.


'LE FINANCIER, ' montrant Perette.

Madame fut témoin de sa folie.


PERETTE

Je suis témoin que vous mentez, Monsieur.


ARLEQUIN

Holà ! voici Monsieur l’ambassadeur.

SCÈNE IX

L’AMBASSADEUR, ARLEQUIN, LE FINANCIER, PERETTE, RECORS

'L’AMBASSADEUR, ' avec des présents.

Puisque le sort refuse à ma patrie
Le règne heureux qu’elle se promettait,
N’ajoutez point, grand prince, à son regret,
De rejeter le don qu’elle vous fait.


'ARLEQUIN, ' prenant tout,
le met dans son tonneau.

Souhaitez bien le bonjour, je vous prie,
Aux habitants de votre silphirie,
Et présentez mes baise-mains à tous.

SCÈNE X

ARLEQUIN, LE COMMISSAIRE, LE FINANCIER, PERETTE, RECORS.
Arlequin parle bas au commissaire et lui glisse un diamant dans la main.

'LE COMMISSAIRE, ' au financier.

Hom Hom ! Monsieur, comment vous nommez-vous ?