Page:Revue d’histoire des doctrines économiques et sociales, 1908, 3.djvu/13

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« aussi bien que celle des autres[1] ». Sur ce point, Cumberland fut loué par les Physiocrates comme « un des plus dignes précurseurs de la science ». L’école de Quesnay devait, en effet, insister elle aussi sur ce caractère social de la sanction qui cependant conserve un objet individuel, mais en adoptant, à l’encontre du philosophe anglais, une règle individualiste comme principe primordial de la morale sociale.

V. De la connaissance du Droit naturel. — Comment l’homme acquiert-il la connaissance du droit naturel ? Mettons immédiatement à part la théorie de Selden. Cet auteur rejette, comme insuffisante l’autorité de la raison humaine incertaine et chancelante[2] ; suivant lui, nous ne pouvons avoir une connaissance sûre des règles du droit naturel que par les écrits des Noachides[3].

Selden n’eut pas, que nous sachions, de disciples[4]. « Les théories sur la connaissance du droit naturel peuvent se ramener à trois. Suivant les uns, le droit naturel nous est révélé par la raison ; suivant d’autres les idées morales nous sont suggérées par le sentiment, par une inspiration intérieure, mode de la sensibilité qui est à la fois une source de connaissance et un principe d’action ; des éclectiques enfin, accordent une place à la fois à la raison et au sentiment.

A) Théorie de la raison. C’est peu de dire que le droit naturel nous est connu par la raison : les théories de la raison ont été diverses dès l’origine. Elles peuvent se diviser en deux groupes : la doctrine des idées a priori et celle de l’empirisme. « L’esprit est-il une sorte de table rase, de feuille blanche sur laquelle les phénomènes s’inscrivent du dehors ? n’est-il pas plutôt une activité primitive, une nature donnée, qui s’exerce selon ses propres lois ? La connaissance humaine n’est-elle qu’un

  1. Cumberland, Traité philos, des lois nat. Ch. I, Trad. Barbeyrac, 1757 p. 42.
  2. Selden, De jure naturali et gentium. L. I Ch. VII (Edit. Argentorati, 1665, p. 85 et s.).
  3. Id. op. cit. L. I, Ch. VIII. (Même édit., p. 93 et s.)
  4. Hobbes affirme sans doute que les lois naturelles ne sont de véritables lois ayant force obligatoire que, parce qu’elles se trouvent formulées dans les Livres saints (V. supra, p. 8 note 3) ; mais il reconnaît à la raison la puissance de les découvrir en elle-même par ses seuls moyens (De Cive, Libertas, Ch. II, § 1 ; Opera, edit. 1668, p. 9).