Page:Revue de Métaphysique et de Morale, vingt et unième année - 1913.djvu/268

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auxquels aboutit la République du point de vue de la théorie pure? Mais d'abord il faudrait avoir prouvé que cette constitution de la République est sans lien avec la réalité, et cela fait question quoi qu'on en dise souvent. Ensuite il faut se rappeler avec quelle fermeté Platon affirme à plusieurs reprises que son récit doit être pris au sérieux : « Ce n'est pas une fiction fabuleuse, mais au contraire un discours vrai, et cela a bien son importance. » Que cette déclaration s'applique à la fois à ces anciennes traditions et au discours de ïim^ée sur la formation du monde et la nature des êtres vivants, je n'en disconviens pas; qu'il y faille apercevoir une pointe d'ironie, c'est encore possible. Mais cette ironie ne vise que l'emphase avec laquelle, à cet endroit, les personnages du dialogue se flattent de dépasser les simples vraisemblances et de donner une image parfai- tement fidèle de la réalité, historique aussi bien que physique. Pour le premier cas cependant, non moins que pour l'autre, on a l'impres- sion que Platon ne doute pas que ce qu'il expose ne soit vrai dans les grandes lignes et que l'État qu'il veut réaliser ait pu être dans le passé un État de fait. Cette conviction, que nous verrons aussi s'affirmer dans la suite, s'exprimait dans le CVitias (109 b-d, 110 c- 113 b) avec une parfaite clarté : Platon n'y distinguait pas, comme dans le Politique et surtout dans les Lois, la société non politique du temps de Cronos, régie par le pasteur divin, de celle qui s'organise politiquement selon le plan tracé dans la République : cette dernière société lui apparaissait alors au contraire comme caractéristique du règne de Cronos et de l'époque où les dieux étaient, chacun pour une contrée, les pasteurs des hommes'. Dans ce même dialogue il reprend, pour les développer, les traditions rap- portées dans le 7'imée sur la lutte de l'Athènes d'autrefois contre la célèbre Atlantide. Il date, il est vrai seulement d'une façon relative, le déluge accompagné de tremblements de terre qui, du même coup, détruisit l'ancienne civilisation athénienne et celle des Allantes. Sur la manière dont la tradition qu'il rapporte est venue jusqu'à lui, il donne des détails destinés à en garantir l'authenticité, au moins aux yeux d'autrui et comme pour faire accepter sa conviction. Les

1. En comparant le mythe du 4'" livre des Lois, qui répète celui du Poli- tïque, et qui répond à un état parfait non politique, avec la peinture qu'il fait dans le livre suivant (739 de) de l'ordre politique parfait selon l'idéal de la Hépuhlique, on voit bien que Platon a fini par renoncer à les croire contempo- rains, comme il l'avait fait dans le Crilias. Voyez dans VAnnt^e ptiilosophiquc, 1011 (XXII, p. 1-7), G. Hodier, Note sur la politique (TAntisthène.