Page:Revue de Paris, 29è année, Tome 2, Mar-Avr 1922.djvu/188

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même conception que nous sur le caractère spécial que nous reconnaissons au chef de l’empire marocain. Dans la zone qu’ils surveillent et qu’ils surveillent en son nom, ils tendraient à substituer à l’autorité du sultan celle de son khalifa ; cependant il n’y a et il ne peut y avoir de substitution puisqu’il ne s’agit en l’espèce que d’une simple délégation, le sultan du Maroc étant un chef religieux qui ne saurait avec personne partager sa mission spirituelle.

Les Espagnols parlent couramment de leur « Protectorat au Maroc ». D’une part, il n’y a pas de protectorat espagnol au Maroc ; d’autre part, y en aurait-il, que nous ne pensons pas que les Espagnols l’appliqueraient dans l’esprit avec lequel nous l’appliquons nous-mêmes. Les graves incidents militaires dont le Rif a récemment été le sanglant théâtre contiennent peut-être, à ce titre, des enseignements qu’il ne faudrait pas négliger.

Nous ne préconisons donc pas plus Tanger espagnol que nous ne préconisons Tanger français ; le point de vue que nous soutenons c’est Tanger chérifien. En cela d’ailleurs, nous ne faisons que seconder les préférences de la population musulmane de la ville elle-même.

Dès avril 1912, une délégation de cette population est allée trouver la Commission franco-hispano-anglaise chargée d’élaborer le statut de Tanger pour lui soumettre un triple vœu. Elle demandait :

1o  Que toutes les fonctions officielles fussent réservées aux musulmans de Tanger sur la désignation du Sultan ;

2o  Que la future municipalité tînt compte de la prépondérance numérique des musulmans à Tanger ;

3o  Que les musulmans bénéficiassent d’une autonomie religieuse complète et que les biens religieux fussent gérés par eux.

Aussi bien la solution que nous suggérons aujourd’hui aux puissances intéressées s’inspire-t-elle de ces grandes lignes puisqu’elle consiste, tout d’abord, à reconnaître à Tanger et dans la zone qui l’environne la souveraineté du sultan sans qu’aucun droit protecteur particulier ne soit attribué pas plus à l’Espagne qu’à la France. Nous proposons en outre que Tanger soit administré par une municipalité composée d’un nombre X de membres avec majorité de membres musulmans,