Page:Revue de Paris, 29è année, Tome 2, Mar-Avr 1922.djvu/634

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
636
LA REVUE DE PARIS

maintenant sur ce pays, et l’on y maintiendrait la législation d’avant-guerre contre nous qui faisons partie de l’Empire britannique ; on nous traiterait comme des étrangers parce que nous sommes des Asiatiques ? »

Ils allaient éprouver à leurs dépens que l’Empire est une grande association volontaire de libertés fort jalouses et ne subsiste qu’autant que la métropole a soin de respecter chacune de ces libertés. Alors, pourquoi l’Inde seule ne se verrait-elle pas respecter ?

Par une série d’amendements à la loi sur les Asiatiques, le Transvaal, en 1907, obligeait les Indiens à se faire inscrire sur les registres de police, où l’on prenait l’empreinte de leur pouce ; les empêchait de circuler librement, de passer d’un État dans l’autre ; limitait le nombre d’immigrants à admettre, leur interdisait d’amener leurs femmes, les frappait d’un impôt spécial de trois livres sterling par tête, quand ils séjournaient dans le pays au delà de la durée du contrat de travail qui les y avait introduits.

Tel est, en effet, le paradoxe de ces pays neufs : ils entendent sauvegarder la pureté de la race blanche ; mais, pour mettre leurs ressources en valeur, les blancs ne sont pas assez nombreux et, forts de leur petit nombre, se refusent absolument à certains genres de travaux qui dès lors exigent la main-d’œuvre de couleur. Les indigènes sud-africains n’ont pas toujours toutes les qualités requises. D’où l’importation organisée, dans un intérêt économique, de bandes entières de travailleurs orientaux, qu’on va chercher en Chine ou dans l’Inde pour exploiter les mines ou pour cultiver les plantations de canne à sucre, et qui, liés par des engagements rigoureux, vivent confinés sur le domaine où on les emploie, dans une sorte de demi-servage.

Aux ordonnances du Transvaal, Gandhi opposait, dès le mois de décembre 1906, un mouvement de résistance passive : la loi se briserait contre cette simple force d’inertie. Trois fois, il fut mis en prison ; huit années durant, il lutta sans désemparer contre les mesures d’exception qui atteignaient ses frères. Les incidents se succédaient ; l’autorité sud-africaine déportait les immigrants qu’elle ne trouvait pas dans les règles ; l’Inde leur faisait des réceptions grandioses, leur don-