Page:Revue de Paris, 29è année, Tome 2, Mar-Avr 1922.djvu/672

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saient rapidement. Elles en sont maintenant à menacer la stabilité du travail qu’en un siècle nous nous sommes efforcés d’accomplir.

Le meilleur tableau de l’Inde pré-britannique, au temps où déclinait le pouvoir du Grand Mogol, est celui que donne, à son retour en France, François Bernier :

Le Grand Mogol, écrit-il, est un étranger en Hindoustan ; aussi se trouve-t-il, ou peu s’en faut, dans un pays hostile… La cour elle-même n’est plus composée, comme auparavant, de purs Mogols, mais est un ramassis d’Usbegs, de Purwans, d’Arabes et de Turcs, ou des descendants de ces peuples.

Bernier fait un pitoyable récit de la condition des peuples Indiens, de l’insécurité de toute propriété, des exactions et des dénis de justice. Il ajoute :

Le pays est ruiné par la nécessité de pourvoir aux énormes dépenses qu’exige l’entretien d’une cour nombreuse et de payer l’innombrable armée indispensable au maintien d’une autorité despotique. Rien ne peut donner une idée des souffrances de ce peuple.

Après la chute de Pondichéry, en 1761, chute due principalement à la politique européenne de Louis XV et aux pertes lourdes éprouvées par la marine française, le progrès de la domination britannique dans l’Inde devint inévitable.

Se demander si, au cas où le destin eût dévolu à la France notre souveraineté dans l’Inde, le génie de la race française eût pu tolérer les marques de faiblesse et d’indécision qui furent la cause directe des troubles d’à présent, est une question intéressante peut-être, mais sans profit.

Une fois établie au Bengale, d’où la grande plaine du Gange s’étale sur un millier de milles vers le nord-ouest, et avec la mer derrière nous, notre autorité s’étendit automatiquement ; et la chute du pouvoir afghan dans l’Inde septentrionale, de même que la naissance de l’éphémère royaume Sikh au Punjab, facilita cette extension. Aucune puissance occidentale, dans les conditions où nous nous trouvions au début du xviiie siècle, n’aurait pu éviter la série de petites guerres qui mirent l’Inde sous notre contrôle ; mais nous eûmes soin de conserver des États indigènes pour peu qu’ils offrissent des gages de stabilité, et jusqu’à ce