Page:Revue de Paris, 29è année, Tome 2, Mar-Avr 1922.djvu/693

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merci de politiciens indiens dont on fit, parfois, des ministres, en récompense de leur déloyauté. Ils sont contraints de contempler, impuissants, les progrès constants d’une désagrégation contre laquelle ils luttèrent jadis avec énergie. Dans de telles conditions, leur nombre diminuera rapidement, et leurs successeurs, — de la qualité qui a prise sur des Orientaux, — ne semblent pas se présenter. Je doute donc que nos grandes administrations puissent être reconstituées, car il est à tout le moins certain que, jamais, des Indiens, formés par les méthodes citées plus haut, ne pourront les remplacer.

En second lieu : nous avons établi une Constitution Statutaire qui paralyse l’autorité britannique. Les nouveaux conseils ont été boycottés par les extrémistes, l’élément dit modéré y prévalant. Cependant tous ceux qui ont suivi leur procédure puérile et qui ont compris que leur seule existence a déjà compromis le maintien des lois et de l’ordre, doivent ressentir, pour l’avenir, de graves inquiétudes. Nous avons, par un beau geste, imposé un gouvernement des plus démocratiques à un pays totalement incapable — par suite de ses instincts aristocratiques, de son rigide système de castes, et de ses siècles de traditions, — d’en faire un usage satisfaisant. Si nous laissions faire l’Inde, la démocratie aurait disparu en un mois ; notre autorité — appuyée par des baïonnettes anglaises — est indispensable à la conservation d’un système, qui précisément affaiblit cette autorité.

La situation serait encore pire aujourd’hui, n’étaient les éléments de stabilité représentés par les États indigènes. Eux aussi ont été menacés par les révolutionnaires, mais les grands rajahs ont énergiquement réprimé toute agitation sur leurs domaines et ont pu, d’une main ferme, maintenir l’ordre. Ce n’est que dans quelques petits États que des troubles se sont produits. Et si l’insécurité de la vie et de la propriété dans l’Inde britannique devenait générale, les souverains indigènes se verraient contraints, pour leur sûreté même, d’assurer la protection des gens en dehors de leurs États.

Un écroulement de l’autorité britannique pourrait ainsi provoquer l’extension des États indigènes, qui pourraient alors former une fédération pour la défense de leurs intérêts.