Page:Revue de Paris - 1894 - tome 1.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les mains et les yeux levés au ciel. Puis ils se placent selon l’ordre d’ancienneté dans la secte. Les femmes prennent part au repas, séparées des hommes : les premiers à droite, les secondes à gauche. Comme il n’y a pas d’esclaves dans la secte, on choisit pour le service les jeunes gens distingués par leur élégance, leur noblesse et ayant un haut avenir de vertu. Ils entrent dans la salle, vêtus de tuniques longues, sans ceinture, pour écarter toute idée de servilité. « Ces jeunes gens semblent des fils heureux et empressés autour de leurs père et mère. Car ils voient dans les convives des parents communs, auxquels les attache un lien plus étroit que celui du sang. Pour ceux qui jugent sainement des choses, rien ne crée, en effet, une plus forte attache que la pratique du beau et du bien ».

La réunion ressemble d’abord bien plus à une séance académique qu’à un repas. Au milieu d’un profond silence, l’un des solitaires entame une dissertation théologico-philosophique. Le sujet en est une question tirée de l’Écriture, ou un doute soulevé par un confrère. La discussion est sérieuse, exempte de tout amour-propre, nul ne cherchant à briller ni à triompher de sa supériorité. « Chacun enseigne à loisir, sans crainte des répétitions ou des longueurs, ne cherchant qu’à faire pénétrer sa pensée dans les âmes ; dans les explications données d’une manière trop rapide et sans pause, il arrive, en effet, que l’esprit de ceux qui écoutent, ne pouvant suivre, reste en arrière et que l’intelligence des choses lui échappe[1]. »

Les commentaires des saintes Écritures consistent en interprétations allégoriques. La Loi leur paraît ressembler à un animal : les préceptes en sont le corps : l’âme est représentée par l’esprit invisible caché sous le texte. La sagacité consiste à deviner à demi-mot, et, sur le moindre indice, à saisir l’invisible à travers le visible. Quand on croit que le président a assez parlé, un applaudissement unanime marque le plaisir que tous ont éprouvé. Puis le président se lève et chante un hymne qu’il a composé lui-même ou tiré de quelque ancien poète, La secte possédait, en effet, outre le livre des Psaumes, des recueils d’hymnes de mètres variés, faits pour les processions.

  1. On dirait que Philon veut ici caractériser sa propre manière et faire l’apologie de sa prolixité.