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c’est le portrait de Philon lui-même, dans ses plus fines nuances : homme du monde délicat, cœur excellent, épris de l’amour du vrai et du bien, une des âmes, à l’égal de Spinoza, les plus spéculatives et les plus désintéressées qui aient jamais existé. Comme les cigales dont il parle, il vécut bien d’air et de chant. Philon fut vraiment un de nos frères : nous aimons le petit couvent philosophique de Mariout comme un joujou cassé de notre enfance. L’objet était mince ; mais l’effort était beau ; surtout si l’on pense que ce créateur religieux était un simple laïque riche, nullement un prêtre. L’activité religieuse en dehors du sacerdoce officiel, voilà toute l’histoire d’Israël.

Les ressemblances des thérapeutes de Philon avec les moines chrétiens[1] sont frappantes. On a eu tort d’en conclure l’identité : mais le principe était le même. Les chartreux ont à peu près réalisé ce que rêvait Philon sur les bords du lac Mariout.


ERNEST RENAN.
  1. Genre de vie, costume, humilité (§ 4 fin), etc.