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l’état et les chemins de fer

Ce n’est donc qu’exceptionnellement que l’État peut attendre de la concurrence la production des services ou produits d’intérêt public ; en général, il doit les produire lui-même, et, s’il a des raisons de vouloir, non seulement que ces services ou produits soient consommés, mais qu’ils le soient dans certaines conditions, il peut toujours déclarer qu’il les produira seul : en termes techniques, il peut s’en réserver le monopole. Au contraire, ce n’est qu’exceptionnellement que l’individu doit produire lui-même les services ou produits d’intérêt privé ; en général, il peut en attendre la production de la concurrence. C’est alors le cas de proclamer le « principe de la libre concurrence » ; et, toutefois, à côté des monopoles d’État relatifs aux services et produits d’intérêt public qui sont fondés sur le droit et qu’on peut appeler monopoles moraux, il y a place pour des monopoles d’État relatifs à des services et produits d’intérêt privé qui seraient fondés sur l’intérêt et qu’on pourrait appeler monopoles économiques. Ces monopoles, tout en n’étant pas, comme les premiers, en dehors de l’industrie, seraient au moins, comme eux, en dehors de la liberté de l’industrie.

En effet, la concurrence suppose aussi bien la multiplicité des entrepreneurs que celle des consommateurs ; et, par conséquent, tout le principe de la libre concurrence repose aussi sur cette hypothèse que, de même qu’en cas de perte, la quantité des produits diminuera et leur prix s’élèvera par détournement d’entrepreneurs, ce qui réduira l’excédent du prix de revient sur le prix de vente, de même, en cas de bénéfice, la quantité des produits augmentera et leur prix s’abaissera par affluence d’entrepreneurs, ce qui réduira l’excédent du prix de vente sur le prix de revient et fera concorder ces deux prix l’un avec l’autre. Or, cette affluence d’entrepreneurs ne se produit pas lorsque, pour une cause ou pour une autre, l’entreprise est dans une seule main, c’est-à-dire en monopole. Alors, en cas de bénéfice, l’excédent du prix de vente sur le prix de revient n’est pas réduit, par la raison que l’augmentation dans la quantité et l’abaissement du prix des produits ont lieu tant qu’ils amènent une augmentation du bénéfice de l’entrepreneur, et non pas jusqu’à ce que ce bénéfice soit réduit à zéro. Il suit de là que le principe de la liberté de l’industrie n’est