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icône achéropite du Christ, mentionnée dès le VIIIe siècle dans le Liber Pontificalis, toute recouverte des ornements dont Innocent III l’a parée.

Cette chapelle est un des sanctuaires les plus vénérés de Rome et du monde entier. On y lit l’inscription : non est in toto sanctior orbe locus. Et en effet, quoique consacrée à saint Laurent, la chapelle porte le nom de Sancta Sanctorum ou « Saint des Saints ». Ce nom, qui est un souvenir de l’Ancien Testament, lui vient du grand nombre de reliques que les papes, et surtout Léon III, y ont placées. Aussi est-il absolument interdit de pénétrer dans l’intérieur, dont l’accès du reste est défendu par une porte de bronze solidement verrouillée. Le pape seul ou un cardinal par lui délégué peut y célébrer l’office. En fait, nul autre que le Passionniste chargé de l’entretenir et d’y allumer les cierges n’y entre jamais.

Cette chapelle est pourtant un véritable joyau archéologique et artistique. C’est, on peut le dire sans exagération, la chapelle Sixtine des papes du moyen âge. Elle occupe l’emplacement des bureaux de la chancellerie pontificale du VIe siècle : les fouilles que j’ai fait exécuter dans ses fondations, il y a six ans, semblent l’établir. Son existence primitive remonte à cette époque lointaine. Depuis lors, elle a subi diverses transformations jusqu’au XIIIe siècle. La principale fut l’œuvre du pape Léon III, le contemporain de Charlemagne, qui, d’après un auteur du XIIe siècle, Jean Diacre, fit placer dans l’autel un coffre ou « arche » de bois de cyprès (arca cypressina) contenant un grand nombre de reliques, sans doute à l’imitation de l’ « Arche d’alliance » du « Saint des Saints » du Temple de Jérusalem. Au XIIIe siècle, le pape Nicolas III fit restaurer complètement la chapelle par les Cosmati, les célèbres marbriers romains, dont le nom est inscrit sur le mur, à gauche de l’entrée : † magister cosmatvs fecit hoc opvs.

Jusqu’à ces derniers temps, on en était réduit, pour la connaissance de ce curieux monument médiéval, seul débris de l’antique palais de Latran, aux descriptions insuffisantes de Marangoni et de Rohault de Fleury. Ces auteurs n’ont vu que très vite et, disons-le, assez superficiellement, dans la pénombre, l’intérieur du sanctuaire[1]. Seul, de Rossi a

  1. Je n’en donnerai ici qu’un exemple. Parmi les fresques de la fin du XIIIe siècle qui ornent la partie supérieure, l’une représente le Martyre de sainte Agnès. La sainte est debout devant le préteur romain, et le bourreau lui tranche la tête d’un coup de sabre. Marangoni, suivi par Rohault de Fleury, avait vu là le Christ dans les limbes : singulière méprise !