Page:Revue de métaphysique et de morale, 1896.djvu/37

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L. WEBER. IDÉES CONCRÈTES ET IMAGES SENSIBLES. 35 le surplus du phénomène mental, s’il est présent à la conscience, consisterait dans la présentation simultanée des idées d’espèces, de genres et de classes dans lesquels rentre, suivant les attributs que l’on envisage, l’objet singulier désigné par le nom. L’idée singulière et concrète n’est donc idée que parce qu’elle est aussi, à un certain degré, idée générale et abstraite. Quand je pense, par exemple, à mon ami Paul, je pense à un ami, à. un Français, à un homme, à un être vivant, etc. A l’image sensible singulière que son nom éveille en moi s’adjoignent des idées plus ou moins générales, mais la singularité de l’état mental dont j’ai conscience en pensant à lui réside dans l’image seule, et cet état ne diffère des simples représentations que par le groupe d’idées qui le composent en partie et qui lui assignent le caractère intellectuel d’une notion.

A s’en tenir à ce premier aperçu, il semble que les idées singulières, comme telles, n’existent pas, car aucun objet n’est rigoureusement singulier, l’esprit ne distinguant des différences qu’à la. > condition d’apercevoir des ressemblances. C’est seulement dans la mesure où il est assimilable à d’autres qu’un objet est pensé et connu, et dans la mesure où elle est générale et commune que son idée existe en tant qu’idée. Toutefois, le problème est si complexe qu’il serait imprudent de se contenter de pareils arguments, aussi succints, et de se prononcer avant d’avoir essayé une. analyse,plus approfondie. Examinons d’abord le cas suivant très fréquent dans la pratique et sur lequel le lecteur pourra réfléchir à loisir en consultant sa propre expérience.

I ̃.

Plusieurs personnes sont réunies et mutuellement engagées dans une conversation. Il leur arrive de s’entretenir d’un personnage absent, M. X., avec lequel lès unes se sont déjà trouvées en relation directe, qu’elles ont vu et auquel elles ont parlé, et que les autres ne connaissent, comme on dit, que « de nom », tout en étant suffisamment au courant de sa situation et de ses agissements pour pouvoir s’intéresser à lui. Chez tous les assistants, pour peu que la conversation se prolonge et s’anime, le nom de M. X. ne tardera pas à faire naitre une image de sa personne, souvenir réel ou invention de l’imagination. Chez les premiers, l’image résultera des perceptions antérieures que sa personne aura provoquées. Variable selon les individus et les