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E. BATAILLON. – LOUIS PASTEUR. 3

faisceau s’éteint. Ainsi, le rayon lumineux qui a traversé le premier spath est modifié, puisqu’il diffère par ses propriétés du rayon prirhitif on dit qu’il est polarisé. Le plan dans lequel il faut placer l’axe du second cristal pour l’éteindre est le plan de polarisation. Réalisons l’extinction de cette manière et interposons sur le trajet du rayon polarisé une cuve de verre contenant une solution sucrée, le second spath n’éteint plus ; et pour obtenir le même résultat, il faut le faire tourner d’un certain angle. fe

Voilà un phénomène de polarisation rotatoire parce que, dit-on, la solution sucrée ’a fait tourner le plan de polarisation. Suivant’ la substance employée en solution, le plan de polarisation tourne à droite, à gauche, ou bien ne tourne pas. Il y a donc des substances à pouvoir rotatoire droit, des substances à pouvoir rotatoire gauche, et des substances inactives.

Pasteur, plongé dans l’étude des espèces cristallines et des arrangements moléculaires, fut mis en éveil par une note de Mitscherlich à l’Académie des sciences. Dans cette note, il était question de deux sels le paratartrate de soude et d’ammoniaque dérivé de l’acide paratartrique, le tartrate de soude et d’ammoniaque dérivé de l’acide tartrique. Ces deux sels avaient la même composition chimique, la même forme cristalline, les mêmes propriétés physiques. Et pourtant le tartrate déviait le plan de polarisation, le paratartrate étant inactif.

Imprégné des idées si nettes de Dumas en chimie moléculaire, le jeune normalien ne pouvait comprendre que des formes cristallines absolument identiques fussent compatibles avec une pareille dissemblance dans les caractères optiques. Reçu agrégé des sciences physiques, il se plongea dans la mensuration des angles des cristaux, choisissant de préférence comme objets d’étude L’acide tartrique et les tartrates. C’était un travail long et aride qu’il reprenait dans le détail, guidé par les travaux de M. de La Provostaye. Il remarqua bientôt un fait capital qui avait échappé à son devancier. Ce fait est la clef de voûte des recherches en question, car Pasteur en tira une idée directrice.

Biot présentait plus tard Pasteur à Mitscherlich en lui disant « Vous pouvez vous vanter d’avoir fait quelque chose de grand en trouvant ce qui a échappé à un homme comme celui-là. » Et Mitscharlichajoutait « Si vous avez constaté ce que je n’ai pas su trouver, c’est que vous avez dû être guidé par une idée préconçue. »