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§2 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

pas prétendu définir l’espace, il l’a seulement indiqué comme mode de l’appréhension intuitive. Nous n’essayons pas davantage de définir l’existence logique ; il nous suffit. d’en constater l’application venant de l’esprit aux choses et d’y voir un résultat de son activité dans cette direction. Sans l’espace, pas de monde extérieur perçu ; sans l’existence, pas de monde ni extérieur, ni intérieur conçu. L’existence est la forme de la matière de l’entendement, par excellence, avant et par dessus toutes catégories ; avec cette différence que les catégories, envisagées logiquement, s’expliquent et se défi-, Dissent par elles-mêmes, tandis que l’existence, pas plus que l’espace, considérés psychologiquement, ne se définissent ni s’expliquent. Du point de vue logique, ce sont des absolus ; du point de vue psychologique, ce sont des qualifications irréductibles, des actes purs, inconnaissables parce qu’ils sont en dehors de la connaissance et la précèdent.

Historiquement, la genèse des idées de choses par l’accord des consciences est probablement postérieure à l’apparition du langage, mais le langage n’a vraiment acquis sa valeur d’instrument social que lorsque ïidéation a commencé à transformer la réalité objective incluse dans la perception extérieure. A s’en rapporter, en effet, aux théories accréditées actuellement, l’origine du langage serait émotionnelle. Un cri, une interjection provoqués par l’émotion consécutive à une perceptioji, réactions motrices, au même titre que la fuite devant un ennemi ou le bond sur une proie, tels seraient les premiers rudi-,ments du signe verbal, bien éloignés, on le voit, du nom qui désigne une existence identique quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle se trouve évoquée. Mais le cri, répété peut-être imitativement, s’est associé plus facilement à la perception – où à l’image qu’à l’émotion qu’elle suscitait, et est ainsi devenu un signe, un évoeateur d’images. Alors s’est accompli peu à peu le lent et mystérieux travail d’objectivation à l’aide du signe, qui a abouti à instituer des réalités si différentes de la réalité sensible. On ne saurait décrire, même très imparfaitement, les phases successives de ce développement, vu l’absence de données positives. Maintenant, une idée d’objet concret et un percept sont des espèces psychologiques foncièrement distinctes, et ni l’une ni l’autre n’ont de rapports directs avec les émotions proprement dites, voilà ce que l’analyse constate. En conclure, comme nous l’avons fait, qu’une fonction nouvelle, l’idéation, s’est manifestée dans l’activité mentale humaine,