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68 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

mentale la double relativité des êtres ; au second rang viendraient Platon et Aristote, dont l’étude l’a conduit à donner à la dialectique son véritable point de départ et à reprendre explicitement des problèmes plutôt abandonnés que résolus. Mais si, parmi les philosophes du xviie siècle, il en est un dont les doctrines rappellent les théories hégéliennes et qui puisse les avoir en partie inspirées, c’est sans aucun doute l’auteur de la monadologie.

On nous concédera peut-être que Hegel n’est pas précisément spinoziste, mais on persistera à soutenir qu’il s’accorde avec Spinoza sur un point essentiel, le seul peut-être qui mérite d’être appelé ainsi. Tous deux ne professent-ils pas le panthéisme et avec lui le fatalisme, son inévitable- corollaire ? Or, pour certains soi-disant t philosophes, devant cet accord fondamental, toutes les divergences disparaissent, ou se réduisent, à de subtiles nuances, à des distinctions plus ou moins spécieuses, intéressantes tout au plus pour des métaphysiciens de profession.

Nous avouons ne pas être encore parvenus à comprendre le sens précis du mot panthéisme. D’après son étymologie, il devrait signifier l’identification de Dieu avec le monde ou l’universalité des êtres. Dieu serait le Tout ; l’ensemble des choses constituerait un être vivant unique et éternel dont les individualités finies représenteraient les éléments intégrants. Nous et les autres êtres serions à ce vaste corps ce que sont à notre organisme les ceIlules qui le composent et qui naissent et meurent en nous à chaque instant sans que ces vicissitudes interrompent la continuité de notre vie propre. A ce compte les stoïciens auraient été panthéistes, et encore n’est-ce pas bien certain. Sans doute ils se plaisent à identifier Dieu avec la Nature ou le Monde, ils prennent indifféremment ces termes l’un pour l’autre. Néanmoins le Monde est plutôt pour eux la manifestation présente de la divinité qu’il ne se confond avec son éternelle essence. Ce monde est après tout destiné à périr dans un suprême embrasement et le principe éternel d’où il est sorti doit manifester à nouveau son inépuisable fécondité dans une série indéfinie de créations successives. En tout cas le panthéisme ainsi entendu est tout à fait étranger à Spinoza. Comme le remarque Hegel, loin de confondre Dieu avec l’univers, Spinoza absorbe l’univers en Dieu. Le double monde des esprits et des corps n’est plus pour lui qu’un néant dans l’infinité des attributs divins. Le rapport des êtres finis à Dieu n’est pas celui des parties au tout, mais