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G. NOËL. – LA LOGIQUE DE HEGEL. 11

prétendent absolues, ces notions ne pourront manquer d’entrer en conflit, de s’opposer les unes aux autres en d’inextricables antinomies. Mais si les métaphysiciens antérieurs à Kant ont pour la plupart, et peut-être tous mérité les reproches qu’il leur fait, ceux-ci peuvent-ils légitimement être adressés à Hegel ? On ne l’accusera pas sans doute de méconnaître la relativité des choses à la pensée, puisque son système tout entier repose sur ce principe. On ne l’accusera pas davantage d’appliquer les catégories sans discernement et sans critique. Sa logique est-elle autre chose qu’une critique des catégories, critique incontestablement plus profonde que la critique kantienne ? Chez Kant, en effet, les catégories, déterminées empiriquement, sont critiquées d’un point de vue étroit et quelque peu arbitraire. L’auteur se borne à rechercher si, oui ou non, elles nous peuvent élever à la connaissance des noumènes. Chez Hegel chacune est à son tour considérée en elle-même et appelée, pour ainsi dire, à témoigner contre elle-même en manifestant ses contradictions internes. Quel est le principe de l’entendement que Hegel appliquerait inconditionnellement sans s’être enquis de sa signification et de sa portée ? Nous n’en voyons qu’un et c’est celui qu’on l’a accusé de nier précisément parce qu’il en a fixé définitivement le sens le principe de contradiction.

Dira-t-on que le dogmatisme de Hegel consiste précisément dans la négation de la chose en soi ? Nier.le monde transcendant, c’est après tout une manière comme un autre de résoudre le problème que nous pose son concept.,C’est prétendre le connaître, sinon dans la réalité qu’on lui refuse, à tout le moins dans son néant. Le déterminer comme un pur rien, c’est encore le déterminer. Soit ; mais alors Kant aussi est un dogmatique. S’il nous est interdit, sous peine de dogmatisme, de nier la chose en soi, il doit nous être également défendu de l’affirmer. Elle demeurera en dehors et au-dessus de la science comme un concept limitatif, essentiellement problématique ou mieux encore comme la pure possibilité d’un doute, qu’on ne saurait jamais éclaircir parce qu’on s’est de parti pris interdit de le préciser.

Mais est-iL possible de nier la chose en soi sans cesser d’affirmer la relativité du phénomène ? Si le phénomène n’est plus la manifestation d’une réalité absolue, s’il ne tient pas du noumène l’être que nous lui attribuons, il possède cet être par lui-même ; il se pose lui-