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346 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

rien n est plus triste que îomce des morts dans nos églises. Aussi la croyance des hommes à leur immortalité n’a-t-elle que peu d’influence régénératrice sur leur vie actuelle. Les hommes passent leur vie icibas dans le culte d’intérêts mesquins et la recherche de choses périssables, et avec cela ils prétendent perpétuer pendant toute l’éternité leur moi si peu digne d’elle 1

Non, il faut reconnaître franchement que notre moi conscient n’est pas fait pour l’éternité. Premièrement, il ne contient rien qui puisse être conservé, puisqu’il ne possède pas de nature qui lui soit propre. Conserver notre moi conscient, c’est conserver notre mémoire du passé et comment une mémoire pourrait-elle emmagasiner l’éternité

? En second lieu, notre moi conscient, n’étant qu’un phénomène, 

n’existe qu’en se reproduisant sans cesse de nouveau comme une flamme. Or, croire qu’une existence de cette espèce, puisse participer à l’éternité serait aussi absurde que de croire qu’une plante puisse participer à la vie humaine. Enfin, ce qui est le point de vue le plus essentiel, la vie consciente est une vie qui repose sur une illusion ou une apparence, une vie qui, à chaque instant, est dépendante de conditions extérieures, et par conséquent sujette à toutes les misères que comporte cette dépendance. Donc, désirer une immortalité consciente, c’est vouloir conserver à l’infini le néant et la misère même dont on veut s’affranchir. La vie vraiment réelle et éternelle n’est pas une succession infinie d’états intérieurs dans le temps, mais une existence indépendante du temps et de la succession, et par conséquent incompatible avec la conscience de soi ; car cette fonction n’est possible que dans le temps, et présuppose nécessairement un changement continuel d’états intérieurs.

« Mais une vie sans conscience n’est pas la vie, dira-t-on ; c’est l’équivalent de la mort. Une immortalité non consciente est pour nous comme si elle n’était pas. ,», y

Nous sommes ici devant l’illusion naturelle ets fondamentale qu’il faut pénétrer et dévoiler pour arriver à la notion de la vie vraiment réelle et éternelle. ̃

Il nous semble que l’existence consciente est la seule existence vraie, qu’un’être qui n’a pas conscience de lui-même ne se possède pas lui-même, et, par conséquent, est comme s’il n’était pas. Mais pourquoi cela nous semble-t-il ainsi ? Précisément parce que nous ne sommes pas des objets concrets ou. réels, parce" que nous ne possédons, pas de, nature^ individuelle qui .nous, soit. vraiment propre ;