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386 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

existe au travail par lequel nous la reconstituons. Elle préforme l’intuition qu’on lui fait correspondre. « Reprochera-t-on à notre méthode, demande M. Bergson (p. 207), d’attribuer arbitrairement à la connaissance immédiate une valeur privilégiée ? Mais quelles raisons aurions-nous de douter d’une connaissance, l’idée même d’en douter nous viendrait-elle jamais, sans les difficultés et les contradictions que la réflexion signale, sans les problèmes que la philosophie pose ? » Est-il cependant vraisemblable que la réflexion signale des difficultés ou des contradictions purement factices, que la philosophie pose des problèmes sans fondement ? Au fait une connaissance immédiate est une connaissance certaine, si elle est bien toutefois une connaissance. Mais où est-elle, la connaissance immédiate ? Suf-< fit-il que nous croyions éprouver un contact de notre esprit et du réel pour être sûrs que la réalité est bien la, directement appréhendée par l’esprit ? Suffit-il d’un sentiment de clarté naturelle pour nous mettre en possession du droit d’affirmer ? Le vigoureux et brillant effort d’analyse par lequel’M. Bergson est arrivé à déplacer dans la conscience humaine Vimmèdiat est plutôt fait pour inspirer des doutes. S’il y a un lieu où l’immédiation ne justifie jamais complètement une certitude, c’est la conscience humaine, où le sentiment du réel peut se développer à des plans différents et se fortifier autant de la tension de nos facultés que de l’influence ou de la résistance des choses. Le caractère de la vie psychologique, en sa spontanéité, c’est de rendre tout immédiat et naturel, d’ignorer ou de surmonter les oppositions établies par la, connaissance réfléchie, de supprimer les intervalles. Nul n’a mieux montré que M. Bergson que la conscience rend vrai pour elle tout ce qu’elle voit et tout ce qu’elle vit, qu’il n’y a pas pour elle d’expression adéquate de ses actes en dehors de celle qu’elle s’en donne au moment où elle les accomplit. Aussi peut-on dire que toutes les intuitions de la conscience sont immédiates, et voilà pourquoi la conscience est une source abondante de croyances variées et contradictoires. Les formes « Impures » de la mémoire et de la perception sont, quand elles se réalisent en nous, aussi immédiatement vraies que leurs formes « pures » ; et si ces dernières sont, comme le soutient M. Bergson, à l’origine des états qui les combinent et les contractent, est-ce par notre sentiment intérieur que nous en sommes décidément assurés ? Nullement. C’est par l’expérience objective. D’ailleurs l’expérience objective, en marquant les difficultés insolubles de la, conception contraire,, en,