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616 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

matière et forme, elles appartiennent à un autre monde qu’à celui de la Raison ; notre esprit, en tant que raison, ne peut les penser même, car pour les penser, il faudrait qu’il leur donne sa forme de Raison et les anéantisse. Elles ne peuvent donc nous être d’aucun usage que ce soit, pas plus que nous ne pouvons nous servir d’une quatrième dimension de l’espace. Plutôt que de conclure à cette dualité contradictoire de l’esprit, concluons que le caractère a posteriori de certaines catégories est une illusion.

Et il n’est pas malaisé de découvrir l’origine de cette illusion elle naît d’une conception contradictoire de la réalité propre aux produits de l’esprit. Le rationaliste ne fait aucune difficulté de reconnaître et notre auteur le fait en termes formels, p. i3 que les percepts dialectiques, ou catégories a priori (Etre, AbsolutoInfini, Cause, Fin), nous sont donnés d’une manière indépendante de toute information des sens, ce qui leur vaut leur nom de catégories pures a priori, que le processus dialectique suffit, seul, à nous les fournir ; mais il admet conjointement que l’expérience sensible nous apporte les mêmes données sous forme de sentiment (feeting) ; et celles-ci semblent bien au premier abord faire double emploi (avec la clarté et la distinction en moins) avec les données a priori du processus dialectique. Mais il n’en est rien aux yeux du rationaliste, il n’y a pas double emploi ; au fond il entend que ces données se présentant sous forme de sentiment, et ayant pour lui une origine objective, ont par suite une valeur de renseignement objectif et sont propres à fournir un fondement au percept dialectique. Sans ce secours et en quelque sorte cette justification, celui-ci ne lui parait qu’une notion « en l’air », une forme idéelle, sans contenu réel et sans réalité intégrale. C’est-à-dire que notre rationaliste était foncièrement un réaliste il partageait, peut-être sans s’en rendre bien compte, la croyance vulgaire, irréfléchie, à la réalité intégrale de ce qu’on nomme la Nature et à la réalité fragmentaire réalité de simple reflet, de simple réverbération des faits de conscience. Il était resté atteint du vertige réaliste qui nous saisit tous.

C’est ce vertige qui le fait recourir à cette théorie génétique selon laquelle l’esprit connaissant naît d’une évolution dont presque tout, sinon tout le mérite est attribué à l’action de la Nature. Nous avons vu Scotus Novanticus commencer sa Métaphysique par une théorie de ce genre c’est à cette théorie encore qu’il a recours ici pour