Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 2, 1912.djvu/13

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losoph, par K.-A. Bush. 1 broch. de 88 p., Goettingen, Vandenhoeck et Ruprecht, 1911. – M. Bush note l’importance des idées religieuses dans le pragmatisme. « On peut dire avec raison, semble-t-il, que si les pragmatistes s’attachent avant tout à définir la vérité, c’est pour trouver des principes qui rendent légitime une conception personnaliste du monde ». M. Bush replace dans l’ensemble de la psychologie et de la philosophie de James sa psychologie et sa philosophie religieuses ; il réunit les principaux passages des œuvres de James, qui se rapportent à la religion : il étudie l’influence du pragmatisme sur la théorie de la religion ; il oppose la métaphysique pragmatiste, qu’il nomme un pluralisme supranaturel mélioriste. Il montre que, dans la psychologie de James, dans son pragmatisme, dans son pluralisme, deux tendances sont présentes, la tendance empiriste et la tendance volontariste. Après avoir critiqué le pragmatisme du point de vue d’une philosophie idéaliste, aprioriste, et anti-relativiste, l’auteur fait voir comment le pragmatisme a pu contribuer au développement de la philosophie et de la psychologie de la religion. Mais il ne peut, dit-il, donner une philosophie religieuse définitive ; seule une philosophie des valeurs permettra une interprétation de la religion. — L’exposé de l’œuvre de William James est bien fait, accompagné de citations abondantes. Peut-être les deux tendances que l’auteur démêle ne sont-elles pas assez rigoureusement distinguées (p. 68). De plus il aurait été intéressant de rechercher les origines des conceptions religieuses de William James, et d’autre part de voir si William James n’a pas évolué. Enfin les critiques adressées aux théories de William James ne sont pas toutes convaincantes.

Antecedents of Greek Corpuscular Theories, par William Arthur Heidel. Harvard Studies in classical Philology, vol. XXII, 1911, p. 111-172. — Ce travail très curieux et très suggestif sur les origines des théories corpusculaires grecques, renouvelle en partie l’histoire de la philosophie antésocratique. Nous connaissons l’atomisme grec sous la forme classique qu’Epicure lui a donnée après Démocrite (p. 115). L’atomisme classique part de la proposition : nullam rem e nilo gigni divinitus unquam. D’où résulte que toute chose naît de germes définis (semina certa). Inversement aucune réalité ne peut être annihilée. Ces deux propositions ne sont vraies que si la matière existe sous la forme de petites particules (p. 117).

Lucrèce après Épicure le prouve par divers arguments tirés de l’expérience. Entre autres, il affirme que tous les corps émettent des effluves invisibles, et il cite notamment le fait de l’évaporation, qui a de tout temps attiré l’attention des savants grecs (p. 122). M. Heidel trouve la raison de cette importance donnée au fait de l’évaporation dans les croyances de l’animisme primitif (p. 124-126). Les exhalaisons, les vapeurs, les fumées jouent partout un rôle dans les cultes animistes (p. 125), et comme les démons qu’elles évoquent ou qu’elles nourrissent, elles sont malfaisantes ou bienfaisantes suivant les cas. La lumière, considérée comme une exhalaison particulière (par exemple chez Empédocle), est un puissant moyen de purification, et d’autre part la médecine ancienne fait un usage constant des fumigations. L’âme est tenue pour analogue aux exhalaisons (p. 128). Des théories voisines se rencontrent dans la physiologie grecque telle que nous la connaissons par le Corpus Hippocrateum. Les règles de cette physiologie valent du reste de l’univers entier, qui est tenu pour un être vivant. Partout la vie s’entretient par des procédés identiques : elle implique une perte de substance sans cesse réparée par des apports nouveaux. Une exacte balance des apports et des pertes est nécessaire ; sinon il y a augmentation on diminution excessive et finalement mort. La nourriture, à laquelle les Grecs rattachent la respiration, sert à réparer les pertes (p. 133). Comme la nutrition, la respiration intéresse le corps tout entier, dans lequel vont se répandre les particules d’air inspiré. C’est ce que montre l’examen du texte du π. ψυσιός παιδίου relatif à la respiration (p. 135). L’univers respire, exactement comme un individu (p. 137). Ces idées permettent de comprendre les théories de la respiration des atomistes et des pythagoriciens (p. 139). Comme la nutrition, la respiration implique l’action de la chaleur (p. 141). C’est la chaleur qui transforme l’eau en vapeur et la rend nutritive. Le processus de la nutrition unit ainsi les deux éléments contraires (eau et feu) ; il suppose que les contraires se réconcilient, l’eau devenant l’aliment du feu (p. 145). Le sang, liquide chaud, est l’élément nourricier par excellence. Or, les liquides que l’organisme absorbe ont des compositions variées ; l’organisme lui-même contient des humeurs variées. Par le mécanisme de la nutrition, ces liquides sont répartis dans le corps de telle façon que chaque humeur interne attire à elle