Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 2, 1912.djvu/19

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vaux collectifs, dont la nature, aussi bien, lorsque la Société fut fondée, demeurait indéterminée. En feuilletant les sept numéros qui constituent la onzième année du Bulletin, nous avons l’impression que ces diverses fins ont, dans une large mesure, été atteintes. La séance où MM. Espinas et Milhaud ont discuté sur La Science et la Religion chez Cournot, est un hommage rendu à la mémoire de celui qui est un des plus grands parmi les maîtres de l’école française. M. Bertrand Russell est venu de Cambridge exposer les principes du Réalisme analytique, et les défendre contre les critiques de MM. René Berthelot, Dufumier, Lalande et Michaud. Des savants, M. Piéron, M. Doléris, MM. Le Dantec et Blaringhem, sont venus discuter des problèmes portant sur la nature de l’instinct, sur l’éducation sexuelle, sur les lois de l’évolution. Voici enfin le premier essai d’une entreprise nouvelle, — une Bibliographie de la Philosophie Française pour l’année 1910, — qui, sous la direction d’un groupe de professeurs français, belges et suisses, semble appelée à prospérer. Et voici le quatorzième fascicule du Vocabulaire Philosophique de M. André Lalande (du mot Métaphysique au mot Nous). Est-il bien nécessaire de rendre hommage au labeur constant de l’auteur, à la méthode originale de travail collectif dont il est l’inventeur ? Le Vocabulaire, est déjà une institution établie, qu’entoure l’estime générale.

Les Revues Catholiques en 1911. — Tant par leur tenue générale que par la qualité des articles publiés, les Annales de Philosophie Chrétienne (1910-1911, 2 vol. in-8) continuent à tenir la tête des revues catholiques. Nous regrettons de n’avoir point le loisir de citer toutes les études parues au cours de l’année et qui seraient dignes de mention. Bornons-nous à signaler les plus importantes, tout en prévenant le lecteur que beaucoup de celles dont nous n’aurons pas le loisir de parler ne sont point pour cela à négliger.

M. l’abbé Laberthonnière a publié la Psychologie de William James (I, 175-187), la Théorie de la Foi chez Descartes (II, 382-403), et surtout la Religion de Descartes (II, 510-523 et 617-640). La méthode de M. l’abbé Laberthonnière, en histoire de la philosophie, est pour déconcerter beaucoup de gens : il ne s’agit plus d’examiner un système comme une chose morte ; ne présentant plus qu’un intérêt archéologique, et de l’expliquer exhaustivement par des considérations d’ordre historique : il ne s’agit plus de déposer sur la tombe de Descartes un nouveau bloc d’érudition, comme si l’on craignait qu’il vienne à s’en échapper quelque pensée toujours jeune et vivante. L’auteur lit Descartes comme s’il s’agissait d’un contemporain, non plus sub specie historiarum mais sub specie veritatis… Son article apporte d’intéressantes précisions sur la question tant débattue de la religion de Descartes. Le cartésianisme est une entreprise pour constituer la science, science conçue comme « une mainmise, une suprématie exercée sur les choses par une prise de possession de leur essence. Savoir c’est régner » (p. 513). Descartes avait assigné pour but à sa vie la constitution de cette science. Chrétien convaincu et sincèrement, simplement pratiquant, il n’a pas voulu traiter du problème religieux : la tâche qu’il s’était tracée était autre. De là sa mauvaise humeur (souvent signalée, mais rarement expliquée par les historiens) lorsque quelque correspondant cherche à l’attirer sur ce terrain. « En définitive, il n’a traité des questions religieuses que pour s’en débarrasser ; non point, encore une fois, parce qu’il cherchait à se débarrasser de la religion, mais parce qu’il désirait en avoir le bénéfice dans le temps et dans l’éternité, sans avoir à s’en occuper ici-bas et afin de s’occuper d’autre chose » (p. 626).

Testis, dont on se rappelle assurément les articles de l’an dernier sur la Semaine Sociale de Bordeaux, a donné un vigoureux article sur le Système des « Alliances pour les résultats seuls » (I, 263-285), qui, une fois de plus, met dans une lumière éclatante les contradictions de ceux qui entreprennent d’amalgamer le catholicisme et l’immorale brutalité des doctrines de l’Action Française. Citons encore : D. Sabatier : Pascal et son Temps (I, 249-262) et la Conversion de Calvin (II, 245-271) ; G. Fonsegrive : Intuition, Sentiment, Valeur (II, 225-243) ; A. Léger : la Doctrine de Wesley (II, 449-492 et 561-601), etc… et enfin la pénétrante étude de M. P. Archambault sur la Morale de Renouvier (II, 5-23, 149-169, 272-289 et 347-352).

La Revue de Philosophie ( 1911, 2 vol. in-8), dans son article initial : Dix ans d’existence (I, 5-9) s’est plainte, non sans aigreur, du sectarisme « de ceux qui, chaque année, sous prétexte d’exposer le bilan philosophique d’une revue », considèrent la Revue de Philosophie comme quantité négligeable. Ces lignes visaient notre compte rendu de l’an dernier. Les lecteurs de la Revue de Métaphysique savent qu’ici, plus peut-être que partout ailleurs, l’on est prêt à rendre justice à tous les efforts, d’où qu’ils viennent, à sympathiser avec toute pensée sincère et