Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1909.djvu/18

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fasse pas sur ce point d’illusion : l’intérêt du livre n’est pas dans la proposition générale à laquelle l’auteur aboutit, il est dans le détail de ses recherches et de ses découvertes : car ici seulement il y a précision vraiment scientifique. L’homme commence par faire obliques les murs de sa maison : la construction perpendiculaire, qui nous parait normale, est en usage seulement « depuis que les matériaux de construction sont devenus assez lourds pour que l’effet de la pesanteur ait plus d’importance que celui du vent ». Voilà une relation sociologique qui présente le caractère d’une relation nécessaire, ou d’une loi. Dans le domaine linguistique, ce sont les mots, non pas la syntaxe, ni la grammaire, ni la prononciation qu’un peuple prend à un autre : le persan et le turc, demeurés pour tout le reste l’un une langue indo-européenne, l’autre une langue ouralo-altaïque, ont un vocabulaire en grande partie sémitique, et plus près de nous l’anglais avec sa syntaxe et sa prononciation si caractéristique, a absorbé depuis dix siècles un immense vocabulaire français ». Voilà un exemple de relation constante entre des éléments parfaitement définis, et qui présente sans doute le caractère d’une relation nécessaire. Mais ne croyez pas nous intéresser ou nous instruire, après cela, en nous disant que l’ouvrage de M. Vierkandt a pour objet de nous montrer « l’existence d’un principe de continuité qui fait que toute innovation ne se présente que comme le résultat d’une longue histoire préalable ». Le mot « continuité » a une signification précise et un usage scientifique en mathématiques : hors de là, c’est une généralité vague, à des idées imprécises il est incapable de conférer une signification précise. Que les rédacteurs du Spectateur consacrent chacun de leurs articles de dix pages à un exemple de loi sociologique, ou psycho-sociologique : et puis qu’ils l’analysent, le discutent, l’interprètent autant qu’ils voudront. Ainsi, ils nous instruiront et contribueront au progrès de la psychologie sociale, et non pas s’ils nous donnent, sous le nom d’articles, une série de petites « préfaces », de petits « avant-propos », de petits « avis au lecteur », riches de promesses, pauvres de contenu.

The International Journal of Ethics, a quarterly devoted to the advancement of Ethical Knowledge and Practice.

Octobre 1908. — Thomas Davidson : Savonarole. — M. Davidson a retracé les grandes lignes de l’histoire de Savonarole, afin de montrer, par un illustre exemple : 1° que le réformateur, si ardent, si pur soit il, doit périr écrasé sous son œuvre s’il ne sait pas la mettre en accord avec les nécessités du temps où il vit ; et 2° que l’inspiration divine n’est féconde que si l’individu inspiré garde toute son autonomie personnelle, et ne se considère pas uniquement comme l’instrument passif d’une volonté extérieure.

Miss Melian Stawell : La conception moderne de la justice. — Il s’agit d’appuyer la croyance à l’immortalité de l’âme sur des considération de justice distributive. Une telle justice ne serait parfaitement développée que dans un Royaume des fins au sens kantien, où tout individu serait considéré comme une fin en soi. Mais pour qu’il en fût ainsi, aucun « sacrifice » de personne ne devrait être possible ; c’est pourtant un fait qu’il y a de tels sacrifices, et qui sont féconds ; cela implique qu’ils ne sont pas définitifs, mais qu’il y faut voir des renonciations temporaires, qui elles-mêmes supposent, au moins comme une possibilité heureuse, l’immortalité de l’individu qui se sacrifie.

J.-B. Baillie : L’interprétation dramatique et morale de l’expérience. — Pour l’auteur, les éléments dits dramatiques de l’existence ne se confondent pas avec les éléments proprement moraux. Il n’y a de situation dramatique, dans une expérience individuelle, que si des événements nécessaires interfèrent avec les fins propres du sujet moral. Une telle situation consiste en un conflit, dans l’individu, entre l’activité morale qui constitue son être, et des phénomènes étrangers qui arrêtent ou modifient le développement de cette activité. Au reste, ces interférences sont nécessaires, parce que l’expérience d’un sujet moral, prise dans sa totalité, les enveloppe.

Charles W. Super : Morale et législation. — Exposé, illustré par quelques exemples, de la thèse qui fait de la moralité et de la légalité deux choses radicalement distinctes : il est possible que la loi contienne des éléments moraux, mais ce n’est là qu’un accident ; ils lui sont étrangers en tant qu’elle est loi.

Janvier 1909. — Ce numéro contient deux courtes notices sur Edward Caird et sur le Congrès international d’Éducation morale qui s’est tenu en septembre 1908.

Puis M. Frank Thilly analyse rapidement l’Étique de Friedrich Paulsen, caractérisée selon lui par une réaction contre les morales téléologiques, et par un déplacement du point de vue utilitaire. Cette morale pourrait se formuler en un cercle vicieux, dont Paulsen déclare qu’il est inévitable, et qui n’en constitue pas moins un fondement acceptable de la