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fut un précurseur plutôt qu’un fondateur. Il a survécu aux fondateurs : et sa mort peut être considérée comme marquant la fin d’une période dans l’histoire de la pensée philosophique anglaise.

D’Italie, enfin, nous vient la nouvelle, plus douloureuse, d’une mort prématurée. Giovanni Vailati, qui fut à plusieurs reprises le collaborateur de cette Revue, un collaborateur très cher, est mort à Rome, le 15 mai dernier, âgé de quarante-six ans seulement. Il ne laisse pas derrière lui un seul grand ouvrage, pour perpétuer sa mémoire. Il travaillait, quand il est mort, en collaboration avec son ami Mario Calderoni, à la rédaction d’un livre : mais ce livre eût sans doute présenté l’aspect d’un recueil d’essais, plutôt que d’un véritable traité philosophique. Sa pensée prenait naturellement la forme de ces innombrables études critiques, portant sur des problèmes d’économie politique, de mathématiques, de linguistique, de psychologie, d’histoire des sciences, qu’il publiait de tous côtés ; elle aimait à se répandre en ces libres conversations qui lui ont fait tant d’amis, en Italie comme hors de son pays natal. Il répugnait aux systèmes : en cela seul consistait son « pragmatisme », qui n’avait aucun caractère « littéraire » et non plus aucun caractère religieux. Ayant pris ses diplômes d’ingénieur, à l’Université de Turin, ayant ensuite enseigné les mathématiques à Turin, puis à Florence, sa culture scientifique faisait de lui un philosophe critique par excellence. « Il fut, écrit dans l’Avanti M. Leonida Bissolati, un représentant magnifique de notre race, et parmi tant de médiocrités qui occupent telle ou telle de nos chaires universitaires, il paraissait être un revenant de notre grand passé italien. » Disons plutôt qu’il symbolisait, plus que personne, la renaissance de ce passé, et la nouvelle fécondité intellectuelle de la jeune Italie.

LIVRES NOUVEAUX

Éléments de logique formelle, par G.-H. Luquet ; 1 vol. in-16 de 58 p. Paris, Alcan, 1909. — Ce petit livre est avant tout un livre scolaire et, comme tel, il est appelé à fournir aux élèves des classes de philosophie et aux étudiants un résumé lucide et irréprochable des théories classiques de la logique formelle. L’auteur a suivi le plan couramment adopté ; il étudie successivement la théorie logique des termes, des propositions et des raisonnements, distingue dans la typographie les passages essentiels des parties moins importantes ou de pure érudition, et rassemble enfin fort clairement le tout dans une table systématique des matières.

Peut-être conviendrait-il de reprocher à l’auteur d’avoir suivi de trop près la théorie classique, d’en avoir accepté tels quels les résultats, alors que la logistique moderne les a modifiés sur des points essentiels. Schröder, par exemple, a réduit à 15 les modes valables du syllogisme, et montré que les 4 autres sont enthymématiques ; les logiciens américains ont ramené la théorie du syllogisme à la discussion d’une formule unique, établie par M. Ladd ; M. B. Russell a montré l’insuffisance de la théorie des termes verbaux comme point de départ de toute logique. Peut-être serait-on tenté surtout de regretter que la logique formelle soit encore considérée, suivant l’antique point de vue, comme une science normative. Ce concept n’est pas plus clair en logique qu’en morale, et les progrès récents de la logistique permettent, semble-t-il, de regarder la logique comme une théorie positive des relations intellectuelles les plus abstraites, absolument analogue dans son esprit aux autres disciplines scientifiques.

Il est vrai qu’il n’entrait pas dans le dessein de l’auteur d’innover, mais de vulgariser. Il a parfaitement fait ce qu’il voulait faire.

Comment former un esprit, par le Dr  Toulouse ; 1 vol. in-18 de x-258 p., Paris, Hachette, 1908. – Comprendre ou savoir ; Comment acquérir les faits ; Comment observer ; Comment juger ; Comment sentir ; Comment agir ; Comment être avec les autres ; Comment être soi ; Principes de Morale sexuelle ; Comment éviter le mal : ces titres de chapitres font bien voir que ce livre est un manuel de morale plutôt qu’un traité d’éducation. Sept chapitres ajoutés à ceux qui viennent d’être énumérés, sous le titre « Quelques points », et qui auraient pu aisément être incorporés dans les autres, montrent qu’il ne s’agit pas ici d’un livre composé. Ce sont des improvisations, la forme n’en est nullement travaillée, et cela n’est pas sans inconvénients. « N’accordez pas aux personnes une autorité complète » : cette formule, soulignée par l’auteur, est sans couleur et sans force. En voici d’autres : « N’accordez pas aux connaissances une valeur fixe, absolue » (p. 26) ; « Évitez de prendre un mot pour une chose » (p. 32) ; « La plupart des hommes n’observent pas par eux-mêmes ; ils se contentent de croire ce qu’on leur affirme et ce qui doit être » (p. 51) ; « C’est faire mal que porter atteinte par abus d’autorité ou même par négligence