Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 5, 1908.djvu/29

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entend l’affirmation d’une certaine primauté de la raison conceptuelle et discursive. Au premier sens, saint Thomas est certainement intellectualiste ; au second sens, il ne l’est aucunement. Sa philosophie nie précisément l’équivalence de ces deux définitions. L’intellection est pour lui la coïncidence vivante, consciente, avec les choses. L’intelligence est donc le sens de l’être, le sens du réel et (Dieu étant la réalité par excellence) le sens du divin. — Toute la religion gravite, pour lui, autour d’un acte d’intelligence, la vision béatifique, étreinte de l’être intellectuelle et immédiate, où l’essence divine sera réellement identique à l’idée même qu’on en aura. Toute sa théorie de la connaissance humaine est fondée sur ce principe, qu’ici-bas nous n’avons point de ces intuitions qui étreignent l’être en soi (hors le cas des perceptions du moi actuel, phénoménal), mais que nous devons nous contenter de représentations composites (concepts fabriqués par l’intellect agent, — appréhensions des êtres singuliers par réflexion sur les images sensibles, — jugements, raisonnements, sciences). Quelques inconséquences dans sa théorie ou sa pratique ne doivent pas faire oublier ces principes clairs et fondamentaux.

M. Picavet. L’intellectualisme de saint Thomas est une doctrine importante dans l’histoire des systèmes. Nos Manuels l’opposent au volontarisme de Duns Scot











et signalent une opposition identique entre Leibnitzet Descartes. La philosophie de la volonté de Schopenhauer et la philosophie de la liberté de Secrétan combattent des systèmes intellectualistes. Par entre les condamnations de l’Encyclique l’uscendi portent sur des doctrines qui voulaient ruiner le thomisme. Pour le faire connaître, il eût fallu d’abord l’exposer tel qu’il est chez saint Thomas, puis rechercher les sources où celui-ci a puisé, de manière à montrer qu’il est original et que vous lui attribuez cette doctrine à juste titre. Pour en marquer l’importance, il eût été nécessaire de chercher cette doctrine dans les œuvres principales de saint Thomas et d’établir comment se groupent autour d’elle les autres parties de la philosophie thomiste. Il eût été bon de faire sommairement le même travail pour le volontarisme de Duns Scot. Enfin on aurait terminé par l’histoire rapide des deux systèmes rivaux, avant la Réforme, après Luther et Calvin, au temps du catholique Descartes et du protestant Leibniz, puis de nos jours jusqu’à l’Encyclique Pascendi. Je ne songe nullement à vous reprocher de ne pas avoir rempli ce plan dans son ensemble. Mais j’aurais voulu que vous l’indiquiez dans votre Introduction, en soulignant les parties que vous vous proposiez de développer et celles que vous deviez laisser dans l’ombre. Et vous auriez dû d’autant plus le faire que vous avez abordé, sinon traité, en exposant la doctrine de saint Thomas fragmentairement et par occasion (p. xxiii, 43, 44, 46, 47, 10S, 215, 216, 218, etc.) ce qui constitue la doctrine adverse. M. Rousselot reconnaît la grandeur et l’intérêt du plan que vient d’esquisser M. Picavet. Il a cru pouvoir se restreindre à un sujet plus modeste, bien qu’encore vaste et important ; il a voulu seulement dégager le principe central de l’intellectualisme de saint Thomas. M. l’icavet. Je me borne à relever un certain nombre d’indications insu Misantes : On parle souvent de l’intellectualisme de saint Thomas (p. x) ; les Scolastiques (p. xxiii) ; les Scolastiques postérieurs. (p. G) ; il est facile de recueillir à toutes les pages de son u-uvre des formules qui résumeraient la doctrine générale de l’inte lection (p. 20) ; les Arabes, ses prédécesseurs, d’après.4. Comte (p. 27> saint Thomas maintient contre certains Arabes (p. l’J2) ; un positiviste (p. 234 ;, etc. Je viens au sujet que vous avez bien exposé dans ses grandes lignes, à l’intellectualisme thomiste. Sans citer aucun texte. vous en donnez plusieurs définitions que vous ramenez à la primauté de la contemplation vous parlez d’un • principe central et de la « conquête de l’être. » A quoi reconnaissez-vous le principe précisément central que vous ne prenez pas textuellement chez saint Thomas ? M. Rousselot. A la réponse à cette question Comment possède-t-on Dieu ? ̃> Dans un système scolastique cette conception-là commande nécessairement tout le reste. M. Picavet. La question de notre union avec Dieu est en effet la plus importante des philosophies médiévales. Mais vous ne montrez ni quand ni comment l’intellectualisme 5e présente explicitement comme une réponse à cette question. D’un autre côlé, si vous indiquez, dans une note, les ouvrages de saint Thomas les plus utiles à consulter, vous ne le-> éludiez pas, même sommairement, dans l’ordre chronologique pour savoir si tous traitent t de l’intellection ou la supposent. Par cela même, vous négligez de vous demander s’il n’y a pas eu développement dans la pensée de saintThomas utilisant à la fin de sa vie des traductions plus exactes et peut-être même le texte grec d’Aris-