Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 5, 1908.djvu/30

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tote ; — si sa conception de l’intellection n’a pas évolué, depuis le Commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard — où vous signalez vous-même des expressions dubitatives — jusqu’à la Somme de théologie qui termine son existence littéraire.








M. Rousselot. C’estque le mouvement est peu sensible. En prenant des précaulions infinies, en atténuant la force des expressions, on pourrait peut-être décrire ainsi ce mouvement rie l’augustinisme, par le péripatétisme, vers un thomisme platnnisant ». Plusieurs indices, dans les derniers ouvrages, montrent chez saint Tbom&s une conscience toujours plus vive de ce qui manque à Aristote. Mais il ne s’agit pas d’un mouvement de translation c’est une synthèse qui s’élargit. M. Picavet. Je voudrais dire un mot de votre méthode. Parfois elle est vraiment Itistorique.et vous vous efforcez do dire, d’après les textes, ce que saint Thomas entend par l’intellectualisme. Mais d’autres fois, elle est constructiva Vous supprimez, en partant de ce que vous appelez ses principes propres » et • pour ne point atténuer le thomisme », les « inconséquences », et [es « restrictions », vous modifiez les explications ». N’est-iL pas à craindre que vous substituiez, en ce dernier cas, votre pensée à. celle de saint Thomas ? M. Rousselot. Il me semble qu’on ne peut faire de l’histoire de la philosophie sans critiquer les auteurs en fonction de leurs propres principes. Sans cela la limite et l’idéal de l’histoire de la philorophie, c’est la pure et simple réimpression des textes. M. Buulroux observe que la réimpression pure et simple des textes ne constitue pas proprement la méthode historique. M. Rousselot reconnait qu’il’a outré l’expression, pour mieux faire ressortir sa pensée. M. Séailles eût préféré que le candidat situât mieux l’auteur dans son mitieu. iS’eût-il pas fallu souligner les énormes différences qui séparent saint Thomas des moderiifs ? Saint Thomas est à l’àse très heureux du dogmatisme ; il part des principes suprêmes,’des réalités suprasensibles. Vous le dites vous-même il faut connaitre sa théorie des anges pour comprendre sa doctrine des universaux. M. Rousselot. Précisément à cause de ces profondes différences, j’ai car pouvoir me dispenser de notions historiques, que d’dlleurs l’on trouvera facilement autre part. Le lecteur, jeté d’emblée dans ce monde intellectuel si différent du nôtre, reconnait vite qu’il n’est pas chez lui, qu’il ne faut pas juger saint Thomas

comme on juge un moderne. Remarquons toutefois < ; ue saint Thomas si, dans l’ordre d’exposition, il part des notiora quoad se, prétend, cependant, dans t’ordre d’invention, alleren sens inverse, et partir de l’expérience, des noliora ifUQad nos. M. Séailles. Pages {23-J29, vous reprochez h saint Thomas de n’avoir pas reconnu ta valeur spéculative dû certaines appréhensions concrètes, de l’art, de l’histoire. Le dédain, rignorauco de tout cela, c’est précisément ce que j’admire en saint Thomas ; il fallait lui laisser sa rigidité et sa candeur dans —le dogmatisme. M. Rousselot. Si les principes de. ma première partie sont exacts, il faut. ce me semble, reconnaitre des inconséquences dans saint Thomas. J’avoue d’ailleurs, que t’expiicatioiV psychologique en, est facite. Jl. Delbos. Vous avez bien fait de justifier, pour un cas particulier, cette remarque généra Fe dont je suis, dès longtemps’, persuadé à savoir que la notion de l’intellectuatisnie qui sert ordinairement de base à la critique ne se vérifie chez aucun des grands philosophes qui méritent cependant le nom d’intellectualistes. Mais n’avez-vous pas trop abondé dans votre sens ? Si l’image que vous nous offrez de la dotrine de saint Thomas est fidèle, n’est-ce pas l’anti-inlellectualisme qui se trouve finalement justifié quand il s’.ifrit de la seule connaissance intellectuelle que nous puissions observer, cette de l’homme ? Vous avez vous-même denoncé l’inadéquation de l’intelligence, sous la forme de la ratio, à.la réalité des choses., D*au : tre part, la parfaite inlelleoMon, telle que vous la décrivez, présente des caractères intuitifs et mystiques qui peuvent faire soupçonner qu’elle n’est pas œuvre d’intelligence pure. M. Rousselot. L’originalité de riatellectuatisme thomiste consiste précisément en ceci, qu’il joint une critique sévère de ta connaissance humaine une contfancè imperturbable diins ses résultats, en tant que cette connaissance participe de l’intelle-ction. La déduction demeure, pour saint Thomas, un instrument de science infaillible, et les concepts demeur-iiit « image des choses ».. J’ai moins insisté sur ces points, parce qu’on n’en doute guère ; il m’a semblé ptus nécessaire de mettre en lumière l’autre aspect de sa doctrine, do faire voir qu’il remet à une autre vie la parfaite intrtlection. De plus, C’eût été fausser la perspective que de vouloir développerlonguement la doctrine « critériolo^ique qu’on peut extraire