Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 6, 1907.djvu/19

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historique n’est pas sans en souffrir. On peut encore regretter que M. Elsenhans n’ait pas, dans un chapitre spécial, plus nettement, plus fortement indiqué les ressemblances et les différences essentielles entre Kant et Fries ; elles apparaissent, à vrai dire, dans son livre ; mais c’est une à une, isolément.

La Vie et la Matière, par Sir Oliver Lodge, trad. par J. Maxwell, 1 vol. in-16 de 148 p., Paris, Alcan, 1907. — Ce petit livre est fait de la réunion d’un certain nombre d’articles de polémique, qui visent tous explicitement le monisme matérialiste de Hæckel. La thèse qui y est soutenue n’est pas faite pour étonner un philosophe ; il reproche au professeur Hæckel de présenter de simples conjectures comme si c’étaient des vérités incontestables. « Si on se rendait compte que les parties les plus risquées de son livre sont simplement de la philosophie et des hypothèses, on n’aurait pas à s’en inquiéter : ce livre ferait plus de bien que de mal. » On voit que ce pamphlet peut être bon à lire, comme antidote, pour ceux qui s’abandonnent à un dogmatisme un peu trop naïf. Assembler des nuages, cela est toujours bon.

Il est pourtant permis de remarquer que le polémiste frappe ici un peu trop au hasard ; au reste il arrive assez souvent, dans les livres de philosophie écrits par les savants, qu’on n’aperçoive pas bien ce qu’ils veulent prouver. Par exemple, sir Oliver Lodge montre clairement, par des exemples simples, qu’un agrégat peut avoir des propriétés qui ne sont pas dans les éléments : une pierre n’a pas assez de masse pour retenir à sa surface une atmosphère ; mais la terre, qui est un amas de pierres, a une atmosphère (p. 63). C’est fort bien. Mais comment peut-on croire qu’une remarque de ce genre puisse servir à réfuter ou à ébranler une théorie matérialiste de la vie ?

Les théories personnelles de l’auteur, autant qu’il les laisse deviner, ne sont pas plus claires que ses arguments de polémique. Voici ce qu’il écrit : « Ma thèse — et ici je parle pratiquement au nom de mes confrères les physiciens — ma thèse est que la vie et l’esprit ne peuvent engendrer de l’énergie ni exercer directement de la force, mais qu’ils peuvent faire agir la force de la matière sur la matière, et, par là, faire œuvre de direction et de contrôle ». Est-ce donc là une opinion de physicien ? N’est-ce pas plutôt celle d’un moraliste qui se résigne à ne plus penser en physicien ?

The Roots of Reality, being suggestions for a philosophical reconstruction, by Ernest Belfort Bax. 1 vol. in-8 de 331 p., Londres, E. Grant Richards, 1907. — L’auteur de ce petit livre a voulu fixer — de la manière la plus exotérique, et, nous dit-il, en pensant constamment au grand public — ce qu’il considère comme devant être à l’avenir la base de toute tentative philosophique. Il tente de démontrer, et à vrai dire il ne fait qu’affirmer, qu’il n’y a plus de place pour quelque système que ce soit qui prétendrait s’édifier sur d’autres fondements que les résultats de la critique kantienne, modifiés en un phénoménisme qui s’interdit toute spéculation sur l’absolu. On peut dire que tout le livre est un développement de l’antithèse des deux types de réalité que l’auteur appelle la « logique » d’une part, et d’autre part l’ « alogique ». Il saisit d’abord cette antithèse dans la conscience, le « logique » étant ici l’entendement et la raison, et l’ « alogique » constituant la volonté ; — et la retrouve dans tous les domaines, entre la matière et la forme, la puissance et l’acte, l’universel et le particulier, le fini et l’infini, le nécessaire et le contingent, etc. C’est en somme l’opposition du représentatif et du représenté. Au cours de l’histoire du xixe siècle, dit M. Belfort Bax, les philosophes ont vu la réalité dernière, ou bien dans une conscience conçue comme une faculté de catégories, comme un principe logique, — ou bien dans une conscience conçue comme volonté, comme un principe alogique. Le point de départ qui s’impose au penseur d’aujourd’hui, c’est la considération de la réalité primordiale sous l’espèce d’une conscience comme telle, réalisant la synthèse bien entendue de deux aspects opposés, « logique » et « alogique ».

The Study of Nature and the Vision of God, with other Essays in Philosophy, by George John Bleweit, Ryerson Profesor of Moral Philosophy in Victoria College, Toronto. 1 vol. in-8 de 355 p., Londres, W. Briggs, 1907. — L’auteur, en ce gros volume, a réuni six études dont voici les titres : 1. L’étude de la Nature et la Vision de Dieu (p. 15-110). — 2. La Métaphysique de Spinoza (p. 111-201), — 3. Platon et la naissance de l’Idéalisme (p. 201-248). — 4. L’achèvement de l’Idéalisme (p. 249-268). — 5. Érigène : la « Divisio Naturæ » (p. 269-333). — 6. La conception de Dieu chez saint Thomas (p. 334-349). — Une préface nous avertit que, sous l’apparente diversité des titres, le livre a son unité ; et le lecteur a tôt fait de découvrir quel lien relie, pour l’auteur, le cardinal Newman au poète Wordswvorth,