Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/124

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tout devenir, il n’est possible que dans le temps. Il n’y a pas de contradiction à ce qu’un même point matériel occupe en deux instants consécutifs deux points contigus de l’espace. Non sans doute, puisque, par hypothèse, les deux instants sont distincts ; mais pour la même raison il n’y aurait pas plus de contradiction à ce qu’en ces deux instants le point considéré fût tour à tour sur la terre et dans la lune. Cela n’est pas contradictoire en soi. Soutiendra-t-on que c’est possible ?

Un point mobile peut occuper dans l’espace une position quelconque, mais à la condition de l’avoir atteinte. Cette position est le terme d’un mouvement et c’est avant d’arriver à ce terme que le mobile a dû se mouvoir. M. Evellin, d’ailleurs, ne conteste pas cette affirmation. Il accorde en effet que le mobile se meut au point où il est, c’est-à-dire qu’un mobile qui dans un instant aura changé de place se meut dans l’instant actuel. Mais c’est là chez ce philosophe une concession purement verbale, car rien dans l’instant actuel ne différencie le mouvement du repos. Un mobile est-il en repos ou en mouvement ? Cela dépend des positions qu’il a antérieurement occupées. Cela dépend aussi, semble-t-il, de celle qu’il occupera tout à l’heure. Répondre ainsi, n’est-ce pas reconnaître que rien, à considérer l’instant actuel dans son indépendance et dans son isolement, ne permet de décider si un corps se meut ou non. Dans l’instant, repos et mouvement sont une même chose. Dès lors dire que le mobile se meut dans le lieu où il est, n’est-ce pas, au fond, ne rien dire du tout, puisque l’état actuel du mobile ne diffère par rien d’intrinsèque du repos le plus complet.

Cette conclusion apparaîtra plus clairement encore si, au lieu d’un seul mobile, nous considérons deux mobiles différents, l’un en repos et l’autre en mouvement. Tous deux occupent actuellement dans l’espace un lieu déterminé. Il est vrai que dans l’instant précédent le mobile A occupait déjà le lieu qu’il occupe et qu’il ne l’aura pas quitté dans l’instant qui va suivre. Au contraire, le mobile B occupait tout à l’heure une autre place et dans un instant en aura pris une nouvelle. Fort bien, mais, à l’instant précis où je les considère, en quoi l’état de l’un diffère-t-il de l’état de l’autre ? Y a-t-il deux manières différentes d’occuper une place ?

On essayera peut-être de répondre que le mobile en mouvement possède actuellement une tendance à passer du lieu qu’il occupe à un lieu contigu. Mais la tendance n’est pas le mouvement. Elle peut